Écho de presse

Paul Valéry, plume au Figaro

le 17/05/2024 par Pierre Ancery
le 04/05/2016 par Pierre Ancery - modifié le 17/05/2024
Paul Valéry - Source Gallica BnF

La littérature, le symbolisme, la liberté, Mallarmé, Rilke... À la fin de sa vie, Paul Valéry a abordé de nombreux sujets dans ses articles du Figaro.

À la fin des années 1930, Paul Valéry est en France un homme de lettres connu et reconnu. Sexagénaire, fait membre de l'Académie française en 1925 et commandeur de la Légion d'honneur en 1931, abondamment cité par ses contemporains, l'auteur du Cimetière marin est désormais un auteur « officiel » – position dont il s'amuse et qui lui permet d'écrire à peu près ce qu'il veut dans Le Figaro.

Le quotidien, en effet, lui ouvre grand ses colonnes et Valéry a tout loisir d'aborder les thèmes qui lui sont chers, dans le style précis et imagé qui est le sien. Le 18 juillet 1936, le journal publie une retranscription d'une conférence de l'écrivain : celle-ci porte sur les symbolistes, Rimbaud, Verlaine, Mallarmé (qu'il a bien connu). Une seule cause les rapproche : une « résolution commune de renoncement au suffrage du nombre ». Le 5 décembre, il rend hommage plus directement à Mallarmé, dans un texte où il évoque la relation difficile de ce dernier à son gagne-pain : professeur d'anglais.

 

"Le métier l'ennuyait à mort. La classe à faire fut à peu près la seule chose dont on l'ait entendu se plaindre. […] Chaque année, le sentiment de l'approche des vacances empoisonnait en lui l'émotion du moment suprême des funérailles de l'été."

 

Le 24 juillet 1936, il écrit un article intitulé « L'esprit est-il un luxe ? Ou de la nécessité de l'inutile », méditation sur le rôle de la littérature et sur sa vie d'écrivain :

 

"Nous avons voulu agir comme si, par un prodige inimaginable, on devait en venir, quelque jour, à ne plus voir (politiquement) dans l'individu un producteur, un consommateur, un contribuable, un instrument ou un électeur, mais quelqu'un."

 

Après un autre texte publié le 30 octobre et consacré au travail de l'écrivain (ce « labeur sévère, plus soutenu que tout autre »), il écrit le 9 juillet 1938 un article sur « les fluctuations du mot « liberté » », bien en phase avec les préoccupations de l'époque. Suivi, le 29 octobre, d'un autre, plus surprenant, sur l'art de la chirurgie.

 

Mais bientôt, c'est la guerre, puis l'Occupation. Le vieil écrivain se refuse à collaborer. En janvier 1941, il prononce en sa qualité de secrétaire de l'Académie française l'éloge funèbre du « juif Henri Bergson », ce qui lui vaut de perdre son poste. Le 16 décembre, il rédige dans Le Figaro un texte sur l'écrivain Rainer Maria Rilke. Une manière de parler de l'Allemagne qu'il aime, celle des intellectuels et de la littérature, à mille lieues des bruits de bottes qui résonnent au même moment dans Paris ?

 

Valéry écrit encore, le 16 juin 1942, dans « Choses humaines », une rubrique créée pour lui :

 

"Celui qui veut imposer ses idées est peu certain de leur valeur. Il tend à les fortifier par tous les moyens. Il prend un certain ton, frappe sur la table, sourit à celui-ci, menace celui-là : il emprunte à son corps de quoi soutenir son esprit."

 

Il meurt à 73 ans, le 20 juillet 1945, juste après la Libération. Il sera enterré à Sète, sa ville natale.