Écho de presse

1870 : le retour triomphal de Victor Hugo

le 07/08/2019 par Pierre Ancery
le 14/09/2017 par Pierre Ancery - modifié le 07/08/2019
Victor Hugo, atelier Nadar ; source Gallica BnF

De retour en France après dix-neuf ans d'exil, l'écrivain prononce un discours enflammé en faveur de Paris, alors menacé par la progression prussienne.

5 septembre 1870. La veille, la IIIe République a été proclamée à l'hôtel de ville par Gambetta. Mais un nouvel événement, presque aussi considérable, agite la population parisienne en pleine effervescence depuis la défaite de Sedan et la capitulation de Napoléon III : le retour de Victor Hugo.

 

Exilé depuis dix-neuf ans à Jersey puis à Guernesey, l'auteur des Misérables, grand adversaire de Napoléon III, est enfin revenu dans la capitale. Arrivé de Belgique par le train, il prononce dès son arrivée en gare du Nord un discours qui sera reproduit dans la presse du 7.

 

Le Rappel raconte son arrivée :

 

"Victor Hugo est arrivé à Paris hier soir. Le bruit s’était répandu qu’il arriverait par le train belge de neuf heures. Dès huit heures, une foule considérable se pressait dans la cour de la gare du Nord. À neuf heures et demie, on a entendu le sifflement de la vapeur. Le train approchait. Alors, ç’a été un tel empressement que Victor Hugo a passé presque contre nous sans que nous l’ayons vu. [...]

 

Victor Hugo essaya de monter en voiture, mais la foule ne l’a pas laissé disparaître si vite ; on l’a entraîné ; on a voulu absolument qu’il se montrât et qu’il parlât d’une fenêtre du café qui fait un des angles de la place. Il a prononcé quelques paroles émues par lesquelles il a dit sa foi dans la puissance de la République et de la France, et sa ferme résolution de donner sa vie pour elles."

 

Puis vient le discours, vibrant plaidoyer en faveur de la capitale française, intégralement retranscrit par le quotidien :

 

"Les paroles me manquent pour dire à quel point m’émeut l’inexprimable accueil que me fait le généreux peuple de Paris.

Citoyens, j’avais dit : Le jour où la république rentrera, je rentrerai. Me voici. (Acclamations.)
Deux grandes choses m’appellent. La première, la république. La seconde, le danger. (Mouvement.)

Je viens ici faire mon devoir.

Quel est mon devoir ?

C’est le vôtre, c’est celui de tous.

Défendre Paris, garder Paris.

Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde.

Paris est le centre même de l’humanité. Paris est la ville sacrée.

Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain. (Acclamations.)"

Il continue :

 

"Citoyens, Paris triomphera, parce qu’il représente l’idée humaine et parce qu’il représente l’instinct populaire.

L’instinct du peuple est toujours d’accord avec l’idéal de la civilisation.

Paris triomphera, mais à une condition : c’est que vous, moi, nous tous qui sommes ici, nous ne serons qu’une seule âme ; c’est que nous ne serons qu’un seul soldat et un seul citoyen, un seul citoyen pour aimer Paris, un seul soldat pour le défendre.

À cette condition, d’une part la république une, d’autre part le peuple unanime, Paris triomphera. 
Quant à moi, je vous remercie de vos acclamations mais je les rapporte toutes à cette grande angoisse qui remue toutes les entrailles, la patrie en danger.

Je ne vous demande qu’une chose, l’union !

Par l’union, vous vaincrez.

Étouffez toutes les haines, éloignez tous les ressentiments, soyez unis, vous serez invincibles. 
Serrons-nous tous autour de la république en face de l’invasion, et soyons frères. Nous vaincrons. 
C’est par la fraternité qu’on sauve la liberté. (Acclamation
 ; cri immense : vive Victor Hugo ! Vive la République !)"

Le Rappel termine :

 

"Ç'a été à qui monterait dans le café et irait serrer la main qui a écrit les Châtiments. Il a fallu, pour empêcher l'étouffement, que des gardes mobiles et des soldats vinssent barrer les portes.

Enfin, Victor Hugo, profondément touché de cette ovation, a pu monter en voiture et se rendre chez un de ses amis."

 

Hugo participera activement à la défense de la ville assiégée.

 

Son discours sera lu le 10 janvier 2016, lors de la cérémonie d'hommage aux victimes des attentats de 2015.

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