Écho de presse

Guynemer, l'aviateur mort en héros

le 29/05/2018 par Marina Bellot
le 08/09/2017 par Marina Bellot - modifié le 29/05/2018
Extrait du Journal du 7 février 1916 - source : RetroNews-BnF

Le 11 septembre 1917, le sergent Georges Guynemer décolle pour ce qui sera sa dernière mission au-dessus des lignes allemandes. Ses exploits et sa mort à 22 ans en feront une légende.

Quand éclate la guerre en 1914, Georges Guynemer, un jeune Breton de 17 ans, est refusé dans l'infanterie puis dans la cavalerie en raison de sa constitution fragile. Il parvient à s'engager dans l'aviation comme mécanicien et obtient un brevet de pilote en mars 1915. Nul ne peut alors prévoir qu'il est en passe de devenir l'un des plus glorieux héros de la Première Guerre mondiale.

"Voyez l'ironie de la destinée", s'exclame Le Petit Journal :

"Il avait été ajourné comme inapte à l'infanterie, en octobre 1914. Heureuse inaptitude ! Elle nous a valu un des meilleurs maîtres de l'air, un de ceux sur qui peut le plus compter notre cinquième arme. Le jeune Guynemer ne s'était pas découragé. Têtu comme ceux de sa race il est Breton il s'était dit : Puisque tu ne peux être fantassin, tu seras aviateur. Les ailes te porteront."

Tout au long de la guerre, Guynemer se distingue par son courage et ses extraordinaires dons d'aviateur. Affecté à Vauciennes, près de Compiègne, il abat un premier appareil ennemi le 19 juillet 1915 avec un avion équipé simplement d'une mitrailleuse montée sur affût rigide. La presse en fait un héros, relatant au fil des semaines ses multiples exploits, comme en février 1916, où le jeune homme se distingue en abattant son cinquième avion allemand.

"Nouvel exploit de l'aviateur Guynemer", écrit Le Journal, qui détaille :

"Ce matin, vers 11h30, le sergent pilote Guynemer a livré combat à un avion ennemi dans la région de Frise et l'a abattu, en flammes, entre Asseviliers et Herbécourt."

Le lendemain, le quotidien lui consacre sa une, décrivant avec admiration ses dernières prouesses :

"À bord de son monoplan, il cumule les fonctions de pilote et de mitrailleur. Il en est à son cinquième avion allemand officiellement abattu, mais en réalité, à son sixième. En sept mois, Guynemer a passé de simple soldat, sergent, et a gagné la médaille militaire, la Légion d'honneur et la Croix de guerre avec quatre palmes. [...]

Voici quelques détails sur son dernier succès, qui rappelle les précédents : il aperçut, alors, qu'il était en croisière, un boche qui se préparait à venir dans nos lignes. Le français se dissimula pour le laisser passer, lui coupa la retraite, et aussitôt le duel commença. L'Allemand se défendit vaillamment, mais Guynemer, au bout de quelques balles, parvenait à en placer une dans le réservoir d'essence. Une explosion se produisait, les flammes entouraient l'avion, pilote et observateur se dressaient dans l'appareil dans une attitude de douleur et d'affolement. Leur biplan s'effondrait, véritable bûcher, et Guynemer le voyait s'écraser à terre, près d'Herbécourt."

Non moins d'emphase dans Le Matin :

"Il nous a été donné de voir récemment le sergent Guynemer. Quiconque a approché ce jeune homme garde de lui une profonde impression.

Qu'on se représente un grand garçon mince, au teint mat, aux yeux noirs, presque un enfant. Un léger duvet sombre à peine ses lèvres. Il n'a que vingt et un ans. Lorsque la guerre éclata il était encore élève d'un de nos lycées, se préparant à une grande école. Il s'engagea, obtint en avril 1915 son brevet de pilote, et il est devenu aujourd'hui l'émule et le remplaçant des Garros et des Pégoud.

Comme eux il aime s'en aller, sur son biplan de combat, qui file à 150 kilomètres à l'heure. Et là-haut, dans le ciel, bravement, en plein jour, il attaque les énormes avions boches. C'est le léger oiseau gaulois vainqueur de l'épervier germanique."

 

Georges Guynemer n'a pas moins de cinquante-trois victoires à son palmarès quand il décolle pour sa dernière mission à bord de son avion "Le Vieux Charles", de Saint-Pol-sur-Mer vers Poelkapelle.

La disparition de "l'as des as" désole la presse, qui raconte son dernier combat, ainsi qu'on peut le lire dans L'Intransigeant :

"Dans la matinée du 11 septembre, le ciel de Flandre, qui était resté nuageux, s’éclaira tout à coup et une flottille aérienne allemande importante vint menacer l’arrière de nos lignes. Cinq albatros marchaient en avant. Guynemer, le premier, est au combat ; il aperçoit le groupe de tête ; il est seul : en avant il y a en tout quarante appareils ennemis et l'« as des as » allemands, le capitaine Richtkofen, sur son fameux « Circus », dirige la bataille. Les avions allemands, qui se tenaient à une grande hauteur, descendent ; ils assaillent Guynemer, ils l’entourent, le mitraillent ; l’aviateur français est touché, son appareil oscille ; Guynemer descend en spirale assez lentement, puis on le perd de vue. Les aviateurs belges arrivent en toute hâte ; il est trop tard. Un officier d’artillerie qui, de son observatoire, a suivi les péripéties du combat affirme que l’appareil n’était pas en feu, mais qu’il vit, à 70 mètres du sol, un corps humain se déverser de la « carlingue » et tomber sur le sol tandis que l'appareil atterrissait d’une façon quasi-normale. Nos soldats ramenèrent l’appareil dans la nuit même, mais on ne retrouva nulle trace du corps du pilote, et c’est là tout le mystère."

Il faudra attendre le début du mois d'octobre pour que sa mort soit officiellement confirmée. Son nom est inscrit au Panthéon sur vote unanime de la Chambre des députés, comme le symbole "des aspirations et des enthousiasmes de la nation".