Écho de presse

1930 : « La Femme de France » lance sa série « tourisme féminin »

le 28/05/2018 par Marina Bellot
le 10/07/2017 par Marina Bellot - modifié le 28/05/2018
L'Intransigeant du 2 avril 1934 - Source : BnF RetroNews

En 1930, alors que les femmes tentent de conquérir leur indépendance, La Femme de France incite ses lectrices à s'essayer aux sports jusque-là masculins... Tout en n'oubliant pas de rester féminines.

Après-guerre, l’image d’une femme active, robuste et de plus en plus indépendante fait son chemin en France. Les magazines féminins apparus au début du XXe siècle (Femina, Midinette, La Femme de France) oscillent souvent entre véhiculer une représentation traditionnelle du rôle de la femme et porter des revendications plus féministes. Ils abordent divers domaines tels que la cuisine, la décoration, la mode et les loisirs... Le tourisme n'échappe pas à la règle.

En 1930, La Femme de France — qui comme les autres journaux français, participe à l'effort entrepris pour développer le tourisme — lance une série consacrée au "tourisme féminin".

L'objectif : exhorter la gente féminine à s'essayer aux sports en vogue et réservés jusqu'alors au public masculin, au premier rang desquels... La natation :

"Lorsque nos grands-mères considéraient la natation comme un exercice tout juste convenable pour une femme, et que la plupart de nos mères se contentaient de modestes trempettes à marée montante, sur des parties de la plage où un bébé un peu dégourdi n'aurait même pas bu une cuillerée d'eau salée, notre génération arbore un goût très vif pour les exercices aquatiques. Il faut dire, à la décharge de nos mères, que le costume de bains d'il y a vingt ans devait être plutôt empêtrant. [...]

Convenable ou pas, selon que les formes qu’il recouvre se rapprochent de celles de Diane, ou de celles d'une otarie, le maillot est à la mode, et il convient d'en profiter — pour nager — ce qui n'est pas toujours le cas. La plupart d'entre vous sont probablement des nageuses émérites, ce sont les partisans des bains de sable que je voudrais aujourd'hui inviter à entrer dans l'eau.

Beaucoup ne s'y résolvent pas, un peu parce qu'elles ont peur de l'eau, un peu aussi parce qu'elles croient difficile d'apprendre à nager, et que le spectacle fréquent d'une femme en train d'apprendre de travers, soufflant, suffoquant, buvant et bavant, et les yeux en pleurs, avec tout du chien qu'on noie, n'est pas joli- joli et ne donne pas un désir frénétique de le rééditer personnellement."

Il s'agit d'oser se libérer... mais tout en ne se déparant des attributs féminins. Sur le canoë :

"À vous qui, étant femmes, avez un sentiment moins rudimentaire et moins mécanique des beautés et des charmes du plein air, le canoé est fait pour plaire. D'abord, bien mieux que sur les plages où on cuit entre le feu du sable et le feu du ciel, il vous permettra les longs bains de soleil, coupés de sauts rafraîchissants dans l'eau douce. Et, alors qu'une femme, si belle soit-elle, étendue en costume de bain sur le sable, a toujours un petit air de phoque expirant, abandonné par la marée descendante, et le sent si bien que cela nous a valu l'amusant pyjama de plage ; une femme en canoé, maniant la pagaie au mouvement élégant et rythmé de beaux bras, lustrés par le soleil et l'eau, ne peut être imaginée autrement vêtue que du très succinct maillot qu'elle porte, et forme avec les rives boisées et l'eau miroitante un tableau parfaitement harmonieux qui laisse un souvenir charmé. Croyez-moi, rien n'habille mieux qu'une pagaie ! (...) Vous commencerez par les rivières canalisées telles que la Marne, l'Aisne, l'Oise, le Cher, etc., et la Seine (je ne vous recommande pas la partie immédiatement en aval de Paris !) en partant plutôt de Rouen pour aller au Havre."

Pour l'alpinisme, prévoir de bonnes chaussures, troquer la jupe contre une culotte et "avec un chemisier en soie, un joli chandail et un feutre souple, vous serez charmantes".

À bonne entendeuse...