Écho de presse

1931 : quand un juriste défendait l'idée d'une Union européenne

le 29/05/2018 par Pierre Ancery
le 26/06/2016 par Pierre Ancery - modifié le 29/05/2018
Europe géographique ; 2006 - Source https://commons.wikimedia.org

L'objectif affiché des promoteurs d'une Union européenne, dans l'entre-deux guerres : éviter un nouveau conflit meurtrier sur le continent. C'est ce qu'explique le juriste Louis Cavaré dans une conférence reprise par l'Ouest-Éclair.

De quand exactement date l'idée d'une Union européenne ? Si les penseurs des Lumières ou encore Victor Hugo l'ont évoquée à leurs époques respectives, elle fut beaucoup discutée pendant l'entre-deux guerres : devant la SDN, Aristide Briand annonça ainsi en 1929, alors qu'il était président du Conseil, un projet d'Union européenne. L'idée d'une union entre les peuples européens avait le vent en poupe dans les cercles intellectuels, à un moment où dominait la hantise d'une nouvelle guerre qui déchirerait le continent.   

C'est ce que rappelle, le 14 février 1931, ce compte-rendu paru dans L'Ouest-Éclair, d'une conférence donnée par le professeur Louis Cavaré, juriste émérite et auteur d'un Traité international de droit positif demeuré une référence du genre. Édouard Herriot est ainsi cité en début d'article : 

"Il s'agit [...] de mettre l'Europe à même de jouer son rôle dans un monde moderne, où la paix et le travail, nous l'espérons, feront la loi."

Cavaré commence par examiner la question du point de vue de sa spécialité :

"Une tradition politique récente envisage sous un aspect absolu le principe de la souveraineté de l'État. C'est de l'individualisme exaspéré. Car tout prouve la solidarité de fait, économique, sociale, politique même entre les États. [...] La conception moderne de la souveraineté de l'État ne s'oppose en aucune manière à la constitution d'une Union européenne."

L'Union européenne, d'après le conférencier, pourrait prendre exemple sur « l'Union pan-américaine dont Bolivar avait jeté les bases en 1824 ». Mais au fait, de quels pays sera-t-elle composée ?

"Il est hors de doute que l'Union doit tendre à l'universalité européenne. L'entente économique est à ce prix. La Commission d'études pour l'Union européenne a invité la Russie et la Turquie a participer à ses travaux." 

Et de conclure en recommandant, pour éviter tout déséquilibre, la signature d'un traité qui "devra se borner à tracer les grandes lignes de l'organisation" :

"Les coutumes pourront jouer, pour le reste, un rôle particulièrement précieux. Les constitutions non écrites ne sont-elles pas les plus durables ? Le projet évitera d'établir ou de consolider la prééminence d'une puissance." 

Les efforts pour rapprocher les États d'Europe pendant les années 1930 ne suffiront pas à empêcher la guerre et il faudra attendre 1950 pour voir, avec la déclaration Schuman du 9 mai, le véritable acte de naissance de la communauté européenne.