Écho de presse

1934 : fermeture définitive de la Petite Ceinture

le 30/03/2019 par Julie Duruflé
le 20/08/2017 par Julie Duruflé - modifié le 30/03/2019
Illustration : L'Echo de Paris du 22 juillet 1934 - Source : BnF RetroNews

« Versons un pleur sur la Petite Ceinture » – En 1934, la fermeture de la célèbre Petite Ceinture désole les voyageurs parisiens.

"Le paysage parisien perdra l'un de ses plus vieux éléments : les rames à voyageurs de la Petite Ceinture qui entreront au garage n'en sortiront plus". En juillet 1934, la presse parisienne (ici Paris-soir) se fait l'écho d'une nouvelle qui désole les Parisiens : la fermeture du trafic voyageurs de la Petite Ceinture, rendue nécessaire par la concurrence croissante du métropolitain.

Paris-soir poursuit :

"Lundi matin, à cinq heures, des autobus modernes rouleront à leur place, autour de Paris, entre la place Péreire et la Porte d'Auteuil, par la Villette et Montsouris.

La crise économique a conduit à l'abandon momentané du projet primitif de déclassement de la ligne de Ceinture, et de son exploitation, après électrification des voies, par le métro. Mais le Syndicat de Ceinture, composé des grands réseaux, avait fait connaître dès 1932 qu'il envisageait la suppression pure et simple de son exploitation pour les voyageurs qui provoquait un déficit annuel de 12 millions."

Un journaliste du quotidien Le Journal embarque pour un dernier reportage en forme de voyage déjà nostalgique autour de Paris :

"Versons un pleur sur la Petite Ceinture ! Elle faisait partie du décor de Paris et de nos habitudes. Du haut des Buttes-Chaumont, où d'ailleurs, on aimait à regarder passer ses petites locomotives crachotantes, et ses wagons semblables à des jouets d'enfant.

Plus d'une fois sans doute il vous était arrivé d'entrer dans une des stations coquettes et silencieuses, où il n'y avait jamais de remue-ménage, qui jalonnent les quelque trente kilomètres du circuit.

Une dame qui tricotait derrière son guichet vous avait donné un billet, et pour un franc ou pour un peu plus de vingt sous, vous vous en étiez allé cahincaha de tunnel en tunnel, de gare en gare, l'une parée de frais acacias ou de massifs de buis, celle-ci d'un petit pavillon de briques vernissées, celle-là d'une lampisterie aux carreaux ourlés de vigne vierge. On avait la sensation d'un vrai voyage. [...] Dans trente ans, lorsque de vieux Parisiens diront : « Ah ! si vous aviez connu la Petite Ceinture ! qui donc s'en souviendra ?»"

L'écrivain naturaliste Lucien Descaves livre ses "Adieux" à la Petite Ceinture dans Le Journal et fait un voyage au temps de son adolescence :

"Sa ceinture était petite ; il y en avait une plus grande, mais dont il n'enviait pas l'étendue. Ses « usagers », comme on dit aujourd'hui, mais comme on ne disait pas encore en son jeune âge, étaient de condition et de goûts modestes et ne rêvaient pas plus haut que leur poche. Ils n'allaient pas, l'été, à la campagne ; ils empruntaient la Petite Ceinture pour faire, le dimanche, une balade circulaire en famille. Je parle de ce que je sais. Jusqu'à l'âge de vingt ans, je n'ai pris de vacances qu'aux fortifications. [...] Ce n'était plus la ville et ce n'était pas encore la banlieue. Les habitations étaient basses, lépreuses et respiraient l'écurie et la ferme."

Au-delà de la dimension affective, la disparition des trains de voyageurs de la Petite Ceinture provoqua un chamboulement des habitudes des Parisiens et notamment des classes populaires, comme en témoigne ici L'Intransigeant :

"Fautes d’organisation, et qui jettent la plus désagréable perturbation dans la vie de nombreux ouvriers et employés. Des lecteurs nous écrivent et racontent leurs attentes énervantes aux arrêts, leurs arrivées en retard à l’usine ou à l’atelier, déplorent les bousculades et les ruées qui se produisent pour obtenir leur petite place."