Écho de presse

1939 : l'inattendu pacte germano-soviétique

le 25/08/2020 par Romain Bedel
le 11/08/2017 par Romain Bedel - modifié le 25/08/2020
"On voit ici M. Molotov signer le pacte. Tout à fait à gauche se trouve M. von Ribbentrop, et, en veste blanche, M. Joseph Staline. (Les autres personnages sont des fonctionnaires soviétiques)." - Paris-Soir du 26 août 1939 - Source RetroNews BnF

Le 23 août 1939 Von Ribbentrop et Molotov se rencontrent pour signer un pacte de non-agression qui marquera l'histoire de la diplomatie européenne. Face à cette nouvelle donne politique la presse française est partagée.

Le 23 août 1939, Paris-Soir fait état de la surprise des gouvernements et de la population face à cette nouvelle inattendue :

"Les gouvernements de Londres et de Paris sont en état d'alerte et les délibérations d'aujourd'hui, de demain et de jeudi, consacrées aux premiers échanges de vues entre les membres du cabinet français et du cabinet britannique, seront vraisemblablement suivies de décisions importantes. [...] Les nombreux travailleurs qui se rendaient, ce matin, à leurs chantiers, à leurs usines ou à leurs bureaux, se frottaient les yeux en lisant la nouvelle sensationnelle du pacte de non-agression germanorusse".

Le Populaire du même jour voit la signature de ce traité comme une manœuvre d'Adolf Hitler visant à retrouver sa supériorité militaire et diplomatique en Europe. 

"Avec un effort de réflexion, on peut se représenter les mobiles de Hitler. Nécessité n'a pas de loi. Hitler a pu s'imaginer qu'en se rapprochant de la Russie soviétique il rétablissait l'équilibre des forces au profit de l'Axe, ou même qu'il procurait à l'Axe un retour de supériorité. Il juge sans doute que désormais l'Axe peut envisager la guerre avec plus de confiance. Ou plutôt, il espère que l'Axe va se retrouver en état, comme il y a un an, d'imposer sa volonté sans guerre."

Le Figaro considère ce pacte comme l'achèvement, pour l'URSS, d'un objectif diplomatique de longue date.

"L'accord germano-russe, ou plus exactement hitléro-stalinien, n'était pas imprévisible. Depuis l'avènement des nazis au pouvoir, Staline n'a cessé de le vouloir. Hitler s'est fait longtemps prier avant de s'y résoudre. Il a fallu les circonstances actuelles pour lever les obstacles."

L'Action Française voit là un renforcement de la menace que représente l'Allemagne pour la Pologne et le reste de l'Europe.

"On ne sait pas encore la teneur de l'accord germano-soviétique ; mais, à Paris comme à Londres, on considère que, surtout signé dans l'état de tension actuel, il est la preuve que l'U.R.S.S. laisse à l'Allemagne les mains libres en Pologne, et cela oblige les alliés de cette puissance à un surcroît de précautions. Les défenseurs des Soviets cherchent à diminuer la portée du pacte en disant qu'il deviendrait de lui-même caduc en cas d'une attaque allemande contre la Pologne, et demandent, contre tout bon sens, qu'on fasse aboutir les négociations anglo-franco-soviétiques. Mais la presse allemande triomphe bruyamment et parle du pacte comme d'une véritable alliance pour le partage de l'influence en Europe orientale."

L'Humanité se félicite de voir le Reich à la table des négociations. Le journal voit dans l'URSS une puissance de taille qui saura tenir tête à Hitler et permettra le maintien de la paix.

"Voilà donc l'agresseur de peuples aujourd'hui contraint à frapper à la porte qu'il parlait hier d'enfoncer. Hitler doit négocier avec l'Union soviétique, puissante et paisible, et s'engager à ne point l'attaquer. Ah l'on ne va pas à Moscou comme on allait à Munich ! Ribbentrop - c'est lui, cette fois, qui fait le déplacement - ne va pas dicter des conditions, extorquer sous menaces quelque lambeau d'une nation démembrée. Quand le pays du socialisme mène une négociation avec un autre pays, il n'a pas sur la conscience, lui, de livrer à une tragique destinée l'Ethiopie, l'Autriche, la Tchécoslovaquie ou l'Albarie. Il ne cède pas au chantage."

Le 22 juin 1941 les Allemands, faisant fi du pacte de non-agression, déclenchent l'opération Barbarossa et envahissent l'U.R.S.S. sans déclaration de guerre.