Écho de presse

Armstrong et "son bon sourire de nègre"

le 30/05/2018 par Marina Bellot
le 27/06/2016 par Marina Bellot - modifié le 30/05/2018
Portrait de Louis Armstrong - Source BnF

Le musicien virtuose fut, au faîte de sa gloire, victime du racisme ordinaire du monde occidental.

Dans les années 30, Louis Armstrong est une vedette. Il est loin le temps de La Nouvelle Orléans, celui de la pauvreté et de la petite délinquance qui l'enverront dans un foyer pour enfants noirs abandonnés...

Mais malgré son talent unanimement reconnu, Louis Armstrong n'échappe pas au racisme ordinaire qui sévit dans le monde occidental de l'époque.

Lors de sa grande tournée européenne, alors que des dépêches de Londres annoncent à tort sa mort, Le Figaro, en 1933, lui consacre un hommage aux accents quelque peu... condescendants : 

"Louis Armstrong restera grâce aux disques, noirs comme son visage, où sont gravés en signes invisibles les sons qu'il faisait jaillir de son instrument éblouissant. Et, au jour du Jugement Dernier, l'«homme aux lèvres de fer», avec son bon sourire de nègre, se hissera hors de sa tombe pour mieux écouter les trompettes de ses rivaux angéliques. Comme il fut un véritable artiste, il ne sera pas jaloux d'eux ; et leurs fanfares, qui ébranleront le monde, raviront son âme candide."

Sans surprise, L'Action française, lors de la première apparition en France du musicien en 1934, dresse de lui un portrait empreint du discours raciste le plus décomplexé :

"M. Armstrong, plus noir de peau que Toussaint Louverture, est devenu le maître, la figure essentielle du « jazz hot ». (...) L'éclat de sa trompette est indiscutablement nouveau. Nous avons beaucoup admiré aussi son adresse à utiliser son ombre. Ce barbare, tout en gesticulant et sonnant de sa bouche de cuivre, dessinait sur les murs de la salle Pleyel une fantastique silhouette, une apparition de la préhistoire, un primate possédé du diable. Physiquement, c'est bien le nègre pur, aux genoux pointus, ayant une souplesse simiesque dans le jarret et dans l'échine."

Paradoxalement, certains ont reproché à Louis Armonstrong de trop chercher à plaire au public blanc et de ne pas s'engager assez dans la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Ses prises de position à l'égard de la ségrégation ont pourtant toujours été sans équivoque, même s'il ne prônait pas la violence comme le firent notamment les militants du Black Power. Le morceau Black and Blue (1929) est un bel exemple de cette contestation pacifique ("Mon seul péché, c'est ma peau"). 

Découvrez également notre article sur Benny Goodman, le roi du swing.