Écho de presse

Balzac et l'apprentissage du roman-feuilleton

le 26/10/2018 par Marina Bellot
le 28/07/2016 par Marina Bellot - modifié le 26/10/2018
Illustrations de La Cousine Bette de Honoré de Balzac, mis en scène par Georges Cain - source : Gallica-BnF

Pionnier du genre, le grand romancier n'en a pas moins mis des années avant d'en maîtriser la technique – et de connaître le succès.

La Vieille Fille d'Honoré de Balzac, publiée dans La Presse en 1836, est considérée comme le premier roman-feuilleton de la littérature française. A travers le portrait d'une femme bourgeoise, l'auteur de La Comédie humaine dépeint la vie de province, ses moeurs, ses rivalités politiques et financières et les mondes qui s'y côtoient.

Le succès n'est pourtant pas au rendez-vous. La critique lui reproche des longueurs, des descriptions trop détaillées, un manque d'action patent... Il faut dire que l’esthétique du roman-feuilleton, son découpage obligatoire et la maîtrise du suspense qu'il impose, ne conviennent pas aux méthodes de Balzac - la publication du premier épisode a eu 15 jours de retard et, le 31 octobre par exemple, La Presse est obligée d'informer ses lecteurs que des corrections de l'auteur vont différer de deux jours la publication de l'épisode suivant...

Balzac demeure néanmoins l'un des tenants du genre, jusqu'à ce qu'il soit radicalement détrôné en 1842 par Eugène Sue et ses Mystères de Paris qui rencontrent un immense succès.

La déchéance de Balzac dans ce genre littéraire semble actée, d'autant que le roman-feuilleton Esther publié dans Le Petit Parisien en 1843 pour, selon ses mots, montrer au public "un monde parisien, [...] bien autre que le faux Paris des Mystères de Sue", ne déchaîne pas les passions des lecteurs. 

C’est avec La Cousine Bette que Balzac fait un retour triomphal dans le domaine du roman-feuilleton. Le texte paraît en 40 épisodes dans Le Constitutionnel, du 8 octobre au 3 décembre 1846. Terminé, les longueurs de La Vieille Fille : Balzac regorge d'imagination dans les dialogues, maîtrise le suspense, manie l'intensité dramatique.

Publié en volume en 1847, il fait partie des Scènes de la vie parisienne de La Comédie humaine. C’est - pour la première fois sous la plume de Balzac - un portrait de femme profondément destructrice, rancunière et laide :

"La jalousie formait la base de ce caractère plein d'excentricités, mot trouvé par les Anglais pour les folies de grandes maisons. Paysanne des Vosges, dans toute l'extension du mot, maigre, brune, les cheveux d'un noir luisant, les sourcils épais et réunis par un bouquet, les bras longs et forts, les pieds épais, quelques verrues dans sa face longue et simiesque, tel est le portrait concis de cette vierge."

La cousine, animée d'une rage immense, gaspille une énergie folle à nuire, sans jamais sortir victorieuse de ses intrigues. Le texte dénote une vision pessimiste, dramatisée et connaîtra un succès fulgurant, au moment où le grand romancier doutait le plus de sa puissance créatrice.