Écho de presse

Été 1917 : les taxis parisiens en grève

le 08/12/2019 par Marina Bellot
le 01/08/2017 par Marina Bellot - modifié le 08/12/2019
Illustration : Paris, la nuit ; Agence Rol ; 1924 - Source : BnF Gallica

En juillet 1917, les taxis se mettent en grève pour protester contre des mesures de réglementation de la profession. La presse ironise sur cette « guéguerre » à l'heure où les soldats sont sur le front.

En juin 1917, alors que la guerre fait rage, les chauffeurs de taxis parisiens se mettent en grève nocturne, refusant de travailler le soir pour protester contre la réglementation de la profession.

L'Humanité rapporte :

« Paris a connu, hier, une seconde soirée sans taxis. Les chauffeurs avaient instauré un service de surveillance plus rigoureux que la veille.

Les quelques rares, très rares voitures, en circulation furent arrêtées par les grévistes, les voyageurs furent poliment déposés sur le trottoir, et les chauffeurs réfractaires invités à regagner leurs garages par les voies les plus rapides. »

Le Journal ironise sur ce qui semble être une "guéguerre" corporatiste, au moment où les soldats français meurent par milliers au front :

« Beaucoup de Parisiens suivaient, non sans curiosité mais avec un très grand désintéressement, les phases du conflit qui s'est élevé entre la préfecture de police et les chauffeurs. Ceux-ci, pour protester contre certaines mesures prises par M. Hudelo dans le but de les rappeler à la stricte observation des règlements et des tarifs, avaient imaginé de réintégrer leurs dépôts deux heures avant le coucher du soleil, c'est-à-dire à 19 heures, ce qui fait 6 heures après midi aux pendules de l'Observatoire, que l'avance horaire ne saurait toucher.

Après les matins sans bains, les jours sans gâteaux, les dîners sans viande venaient les soirs sans taxis ! On ne pouvait contraindre les chauffeurs à rouler, ils restaient dans la légalité aussi bien vis-à-vis de la préfecture que de leurs compagnies ; puis les hommes du volant disaient, non sans raison, qu'ils préféraient sortir de grand matin et rentrer pour diner chez eux, ce qui leur économisait un repas au restaurant. »

Le journal satirique Le Rire  s'en donne lui aussi à cœur joie. Sur une illustration de pleine page publiée en juillet, on voit un soldat au front s'exclamant à la lecture des nouvelles : "Puisque les chauffeurs de taxis ne veulent plus charger à Paris, on pourrait peut-être les envoyer charger au front ?"

Sur une autre illustration, des soldats en permission passant devant une foule de gens discutent :

« Tiens, on dirait une émeutes ?
– Non, ce sont des gens qui attendent un taxi
 ! »

Pour venir au secours des Parisiens dans l'impossibilité de se déplacer le soir, le préfet prend la décision de prolonger les services de nuit des transports en communs (tramways, bus et métros), comme l'explique Le Petit Parisien, et instaure une nouvelle obligation pour les chauffeurs :

« Si le chauffeur ou le coche rentre à son dépôt, il devra recouvrir le drapeau du taximètre d'une gaine noire sur laquelle figurera, en caractères blancs très apparents, l'indication du dépôt. Cette gaine pourra être placée soit en route, soit en station, sous la réserve que le chauffeur ou le cocher ne conduira les voyageurs que dans la direction générale indiquée sur la gaine.

D'autre part, il fut déclaré aux délégués, que les agents avaient reçu des instructions en vue de permettre la liberté du travail aux chauffeurs consciencieux qui ne doivent pas être confondus avec les “amateurs peu scrupuleux. »

La Presse commente :

« Il vous arrive journellement à tous de voir passer, sourds à vos appels, aveugles à vos gestes, des dizaines de chauffeurs peu soucieux de vous conduire à vos affaires et de vous en donner les raisons. [...]

L'idée du préfet est excellente ; elle pourrait être améliorée comme beaucoup de bonnes idées. Pourquoi les chauffeurs n'auraient-ils pas une série de pancartes qu'ils disposeraient à l'avant de leurs voitures et qui nous éclaireraient sur leurs mobiles et leurs intentions ?

Par exemple : “J'vais manger ! ou bien :“Plus d'essence !  ou bien encore : “Je ne charge que pour, la gare Saint-Lazare, parce que j'ai affaire, de ce côté ! »

En 1911, les taxis s'étaient pour la première fois mis en grève pour protester contre la taxation du benzol, alors utilisé comme carburant, qui pénalisait lourdement les conducteurs, déjà soumis à des conditions de travail pénibles (lire notre article sur le sujet).