Écho de presse

Evasion fiscale : l'échec de la SDN

le 04/06/2018 par Pierre Ancery
le 05/04/2016 par Pierre Ancery - modifié le 04/06/2018
Le Conseil de la SDN au complet ; Agence Meurisse (Paris) ; 1921 - Source BnF

Pendant l’entre-deux guerres, certains membres de la Société des Nations ont tenté de lutter contre l’évasion fiscale. En vain.

Dans les années 30, l’évasion fiscale était déjà un sujet d'actualité. En témoigne cette une du Journal des Finances du 29 octobre 1937, faisant référence à des accords internationaux tout récemment conclus. Mais le constat est très critique :

« La vérité est qu’il y a échec complet. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés depuis longtemps les techniciens. » 

Pour comprendre cet échec, il faut revenir un peu en arrière. Comme le relève le chercheur Christophe Farquet dans une étude sur le sujet, l’évasion fiscale s'est développée en fait dès la fin du XIXe siècle, « dans la contradiction systémique entre l'expansion d'une économie transnationale et le maintien de législations confinées aux frontières étatiques ».

Juste après la Première guerre mondiale, en raison de l’accroissement des dépenses publiques liées au conflit et à la reconstruction, la charge d’imposition directe augmente dans les pays belligérants. Et mécaniquement, la fuite des capitaux vers les pays refuges aussi !

Pour beaucoup, une coordination entre pays s’impose pour lutter contre la fraude. Dès le début des années 20, la Société des Nations s’empare du problème, avec pour objectif d’établir des normes internationales. Ainsi, en 1922, sous l'impulsion des délégués français, italiens et belges, la conférence de Gênes introduit les premières discussions multilatérales.

Mais dans les années suivantes, aucun véritable accord n’est trouvé. Plusieurs pays membres refusent de s’attaquer au secret bancaire (en premier lieu la Grande-Bretagne et la Suisse, qui bénéficient de l’afflux de capitaux étrangers), laissant une grande marge de manœuvre aux milieux économiques. Peu à peu, l’idée d’une régulation internationale est abandonnée au profit de celle d’accords bilatéraux, bien moins contraignants.

Il faudra attendre 1936 et le Front populaire en France pour que les discussions reprennent à la SDN. Celle-ci étudiera à nouveau l’idée d’un accord global sur les transmissions d’informations fiscales… En vain : dix pays, la Suisse et la Grande-Bretagne en tête, s’opposeront catégoriquement à une régulation multilatérale, rendant impossible toute lutte réelle contre l’évasion fiscale.