Gustave-Moreau, bijou (toujours) méconnu

Gustave Moreau fut un artiste prolixe, largement reconnu de son vivant et soucieux de sa postérité. Ainsi, trois ans avant sa mort en 1898, il décide de transformer la demeure familiale en musée afin d'y exposer pas moins de 25 000 œuvres dont 15 000 signées de sa main, qu'il lègue toutes à l'État.

Si les touristes étrangers raffolent de ce petit musée - Moreau est notamment vénéré au Japon -, les Parisiens, eux le boudent quelque peu, et c'était déjà le cas 25 ans après son ouverture, comme le déplorait Le Matin en avril 1930 :

"Y a-t-il dix Parisiens sur cent qui connaissent le musée Gustave-Moreau ? J'en doute. Et cependant, c'est le monument le plus merveilleux élevé à la gloire d'un homme dont la renommée traversa depuis longtemps les océans et dont les richissimes amateurs d'art des deux hémisphères s'arrachèrent et s'arrachent encore aujourd'hui les toiles à coups de milliers de dollars."

Si certains Parisiens hésitent à pousser la porte de l'hôtel particulier, voilà qui devrait les convaincre :

"Conscient de l'œuvre immense qu'il avait créée, l'artiste a voulu s'effacer devant elle. Et c'est la grande et émouvante impression que l'on éprouve, lorsque, après avoir franchi le vestibule d'entrée et gravi un long escalier, on pénètre dans le grand atelier du second étage. Là, sont rassemblées les plus grandes peintures du maître. On reste confondu devant tant de chefs-d'œuvre et l'on se demande comment une simple existence humaine a pu suffire à l'entassement de toiles comme Tyrtée chantant pendant le combat, le Retour des Argonautes, les Prétendants, Moïse en vue de la Terre promise ôte ses sandales, le Poète voyageur, les Filles de Thespius, les Rois mages, les Chimères, et tant d'autres."