Écho de presse

Jack l'Éventreur, articles en série

le 30/05/2018 par Marina Bellot
le 23/12/2016 par Marina Bellot - modifié le 30/05/2018
Paris-soir du 25/12/1934 ; Source : BnF RetroNews

En 1934, l'écrivain André Savignon, prix Goncourt 1912, se penche pour Paris-Soir sur le mythe du mystérieux tueur en série...

Son surnom a fait frémir des générations entières : Jack l'Éventreur (en anglais “Jack the Ripper”), le tueur en série des bas-fonds londoniens, a sévi pour la première fois en 1888, égorgeant une prostituée, Annie Chapman. De victime en victime, le coupable n'a jamais été retrouvé, et l'affaire a donné lieu à maintes hypothèses et inspiré une multitude d'œuvres en tous genres.

C'est à ce mythe moderne que s'attaque en 1934, pour Paris-Soir, l'écrivain André Savignon. Dans une série d'articles, le prix Goncourt 1912 plonge les lecteurs dans ce qui se lit comme un incroyable polar.

On y sent l'atmosphère de terreur qui s'étend et règne sur la ville :

"Nulle femme, la nuit venue, ne se risque plus au dehors. Le seul nom de Whitechapel donne à tous le frisson. Une commerçante meurt d'angoisse. Le tenancier d'un bar attribue sa faillite au fait que sa clientèle, le soir, n'ose plus venir chez lui. Cependant, la police aux abois laisse échapper l'aveu que d'autres meurtres encore sont à redouter. Comme à l'époque de la Grande Peur, de sinistres et invraisemblables récits se propagent partout. Un visage inconnu, une silhouette étrangère qui s'efface au tournant d'une rue, c'en est assez pour semer l'inquiétude. Chacun ferme précipitamment sa porte. Chacun se redit d'autres histoires de crimes."

On y croise les victimes de Jack l'Éventreur, telle Elizabeth Stride, une Suédoise plusieurs fois frappée par le destin :

"Une épouvantable tragédie allait, quelques années après, assombrir sa vie, qu'un drame plus affreux encore devait clore. Elizabeth était à bord de la Princesse-Alice quand ce vapeur, chargé d'excursionnistes, entra en collision dans la Tamise avec le Bywell et sombra en quelques instants. Cinq cents passagers se noyèrent et, parmi eux, les deux fillettes de Mrs Stride. Inconsolable — elle avait tout perdu — la mère se mit à boire. La boisson la mena dans la rue. Chute rapide : la bière, le gin — un peu d'amour peut-être, puisqu'il en fallait, dans l'espoir de sécher ses larmes. Un homme, des hommes. Encore du gin. Et ainsi, d'année en année, elle devint une des vagabondes désespérées du quartier."

On y goûte un art du suspense maîtrisé :

"Une certitude néanmoins dominait tout : ce sadique et lugubre collectionneur de pièces anatomiques était adroit d'une main autant que de l'autre. [...]

Jamais il n'entreprit pourtant de cacher son forfait : les femmes étaient abandonnées où il les avait tuées. On eût dit qu'au contraire, il cherchait à accroître, par l'obscène étalage de ces sanglantes filles, l'horreur de leurs mutilations. Satanique souci où d'aucuns voulurent voir le fanatisme de quelque religieux sectaire commettant crime sur crime pour protester contre les vices du peuple des bas-fonds. D'autres, admirant surtout son abominable maîtrise dans l'art du dépeçage, le déclaraient médecin ou boucher.

Habile de la main gauche autant que de la droite, l'Éventreur courait toujours, et toujours anonyme..."

Et, de fausses pistes en certitudes erronées, l'on mesure à quel point la fabrication du mythe de Jack l'Éventreur était déjà, au moment de l'affaire, en marche.

 

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