Écho de presse

La découverte de Troie a-t-elle eu lieu ?

le 15/05/2019 par Pierre Ancery
le 10/10/2016 par Pierre Ancery - modifié le 15/05/2019
Théâtre de l'Opéra. La prise de Troie, opéra en quatre actes, d'Hector Berlioz - Source Gallica BnF

Lorsque l'archéologue Heinrich Schliemann annonça avoir découvert les ruines de la cité grecque, une partie de la presse française se moqua de lui.

Au début des années 1870, on ne sait pas vraiment où se trouve la légendaire ville de Troie, décrite par Homère dans L'Iliade. Ni même si elle a vraiment existé... Des archéologues pensent toutefois qu'elle pourrait se trouver sous la colline d'Hissarlik, dans l'actuelle province de Çanakkale en Turquie. À la même époque, l'aventurier allemand Heinrich Schliemann, qui a fait fortune dans le négoce et se pique d'archéologie, y met à jour les ruines d'une très ancienne cité... Pour lui, pas de doute : il s'agit de la cité mythique.

 

Si le 25 octobre 1872, Le Rappel relaye ses découvertes, qu'il qualifie « d'intéressantes », dans la presse française, la tonalité est plutôt sceptique. Ainsi, le 20 août 1873, Le Temps fait paraître un article très ironique dans lequel Schliemann est moqué pour avoir pris au sérieux les descriptions d'Homère :

 

"Ce savant a lu Homère et l’a pris pour un historien. Toutes ses fouilles ont pour but de découvrir les édifices décrits par le poète ; et, comme tout vient à point à qui sait attendre, après de longues recherches, il n’est pas jusqu’à la maison de Priam qui ne soit apparue à ses regards. [...] Après la cour du roi Priam, il lui reste à découvrir la cour du roi Pétaud. Il y viendra."

 

Par la suite, certains journaux français soutiennent Schliemann, telle La Presse dans cet article du 19 janvier 1876. La controverse sur Schliemann dure encore des années, sur fond de germanophobie. Le 11 janvier 1877, Le Gaulois raille la découverte par l'Allemand, à Mycènes, d'un squelette qu'il attribue à Agamemnon. Et en 1879, alors qu'il poursuit ses fouilles à Hissarlik et a exhumé de véritables trésors (ce qui lui a valu quelques ennuis avec le gouvernement turc), Le Figaro qualifie l'archéologue d'« épicier » et ses hypothèses « d'assertions cavalières » :

 

"Vous avez tous entendu parler de ce trouveur de trésors historiques, qui a, depuis dix ans, exhumé tous les héros de la légende grecque et découvert dix villes. […] Ce copain d'épicier, qui lisait les exploits d'Agamemnon dans les cornets à poivre de son patron, se sent tout à coup frappé d'une étincelle. Il découvre dans un tonneau de mélasse (Melas, en grec) l'histoire véridique des rois et des peuples de l'Argolide. Le siège de Troie lui apparaît dans un paquet de chandelles de six. [...] Et le monde savant s'ébaudissait à l'envi. Je ne sais vraiment ce qu'il faut le plus admirer, de la foi naïve dudit monde, ou du toupet féroce de M. Schliemann."

 

Pourtant, en dépit de ses méthodes d'amateur et de ses nombreuses erreurs, Schliemann avait probablement raison. La plupart des archéologues pensent aujourd'hui que le site d'Hissarlik et les ruines qui s'y trouvent correspondent à la ville mythique de Troie. L'UNESCO l'a inscrit en 1998 sur la liste de son patrimoine mondial.