Écho de presse

La femme qui inventa le soutien-gorge moderne

le 22/08/2018 par Pierre Ancery
le 01/07/2016 par Pierre Ancery - modifié le 22/08/2018
Vogue ; Condé nast ; 1934 - Source BnF

La communarde et féministe Herminie Cadolle, proche de Louise Michel, mit au point le « corselet-gorge » en 1889.

C'est dans la rubrique de faits divers que le nom d'Herminie Cadolle apparaît la première fois dans la presse. Le 7 octobre 1882, celle-ci prend la défense d'un ouvrier qui « faisait scandale dans la boutique d'un pâtissier » et tient tête aux agents de police venus régler le litige.

 

Elle sera condamnée à une amende et à six jours de prison pour « outrage à agent ».

 

Voici la description qui est faite d'elle dans le Gil-Blas du 10 novembre :

 

« Nous avons eu l'occasion de revoir hier sur le banc correctionnel la citoyenne Herminie Cadolle, qui se dit giletière et qui en réalité est une femme politique, amie et émule de Louise Michel qu'elle essaie d'égaler en violence.

 

Ces deux femmes, pardon, ces deux citoyennes, ont de nombreux points de ressemblance – je ne parle pas seulement de leurs avantages extérieurs — ; elles sont contemporaines, elles ont les mêmes passions, les mêmes haines, surtout le même orgueil.

 

“Je ne suis pas la première venue”, disait Herminie Cadolle aux agents qui l'arrêtaient, “je suis la présidente du comité de secours aux amnistiés, et je vous ferai révoquer.” »

 

Durant la Commune de Paris, en 1871, Herminie Cadolle a en effet participé à l'un des premiers mouvements se réclamant du féminisme et est devenue amie avec Louise Michel, figure majeure de l'insurrection. C'est pourtant à un autre titre que l'histoire retiendra son nom : c'est elle qui inventa, en 1889, le premier soutien-gorge moderne, dont elle déposa le brevet en 1898. Elle avait en effet eu l'idée révolutionnaire de couper en deux le corset traditionnel. Son nom : le corset Bien-Être.

 

On trouve la trace de son invention dans cet article du Matin du 22 mai 1902, qui fait état du procès l'opposant à un négociant condamné pour avoir contrefait le « corselet-gorge » de « Mme veuve Cadolle, fabricante de corsets et ceintures, demeurant à Paris, 24 rue Chaussée-d'Antin » :

 

« Attendu que les goussets baleinés et cintrés qui, combinés avec des bretelles et des épaulières sont l'objet principal du brevet, présentent les avantages du corset sans en avoir les inconvénients, puisqu'ils permettent au corselet d'envelopper la gorge, de la soutenir, ou même de la simuler en laissant l'estomac et le ventre complètement libres [...]

 

Qu'il résulte des documents versés aux débats que le corselet-gorge de la veuve Cadolle est apprécié par les clientes de celle-ci comme étant nouveau et bien préférable aux autres produits du même genre [...] »

Le terme de « corselet-gorge » se trouve encore quelques années plus tard (comme dans cet article de 1911). S'il est parfois remplacé par celui de « maintien-gorge » (comme dans cette publicité en bas de page), il cédera finalement la place à l'actuel « soutien-gorge ».

 

La maison Cadolle, quant à elle, existe encore, plus d'un siècle après sa création par la militante révolutionnaire. Elle est spécialisée dans la lingerie de luxe.