Écho de presse

L'affaire Hanau à la Une (1/2)

le 25/05/2018 par Marina Bellot
le 27/02/2017 par Marina Bellot - modifié le 25/05/2018
L'Humanité du 9/12/1928 - Source : BnF RetroNews

En 1928, un scandale financier d'envergure éclate. Il éclabousse des hommes politiques du Cartel des gauches.

En 1928, une femme occupe l'attention médiatique : Marthe Hanau, qui passera à la postérité comme "la banquière des années folles".

À une époque où les femmes n'ont pas encore le droit de vote et où elles sont pour le moins rares dans les milieux de la finance, l'affaire a de quoi interpeller.

En 1925, Marthe Hanau, fille de petits boutiquiers, fonde une feuille financière destinée à attirer les épargnants au nom de la défense du franc. Elle adosse au journal, appelé La Gazette du Franc, une banque, le Groupement technique de gérance financière. Proche des radicaux, La Gazette du Franc soutient la politique de paix d'Aristide Briand, réunit des collaborateurs de renom et obtient des interviews d'hommes politiques de premier plan.

Sauf que... les conseils que Marthe Hanau prodigue aux épargnants concernent le plus souvent des actions et obligations de ses relations d'affaires, dont les titres progressent grâce à la publicité faite par sa feuille financière.

Femme d'affaires chevronnée, elle monte un réseau complexe de sociétés, pour la plupart fictives, qui placera au total pour plus de 170 millions de francs de bons auprès des petits épargnants.

Au terme d'une enquête menée par la Section financière de la Police judiciaire, Marthe Hanau est arrêtée le 4 décembre 1928.

L'affaire éclabousse les politiques, en particulier le Cartel des gauches et son principal organe, le journal Le Quotidien, dont on apprend qu'il a mis à disposition sa page financière à Marthe Hanau.

Les journaux d'extrême droite et d'extrême gauche dénoncent la collusion des milieux politique et financier.

L'Action française écrit :

"Confrères et citoyens, vieux ou jeunes, chevronnés ou coquebins, croyez-moi ! Vous ne ferez pas l'éducation des hommes publics. Vous ne des obligerez pas, vous ne les entraînerez pas à se réformer par les voies légales ou par les moyens constitutionnels. Ces moyens ont peut-être existé. Ils sont frappés d'une désuétude qui n'a d'égale que l'inefficacité de leur nom invoqué. C'est vers le public, vers l'homme de la rue, qu'il faut vous tourner pour l'élever et pour l'instruire et pour le délivrer de la pillerie des politiciens."

Dans L'Humanité, Paul Vaillant-Couturier charge violemment le régime  "Tout le régime dans le bain !", titre le quotidien :

"Nous ne connaissons, nous, dans cette affaire, ni monarchistes ni fascistes, ni républicains, ni socialistes. Tous dans le même sac d'Union nationale et de Société des nations ! C'est au nom de la classe des travailleurs que nous menons notre campagne contre la classe des profiteurs du régime. Et, malgré les insultes, nous la conduirons jusqu'au bout."

L'écrivain et grand reporter Maurice Prax dresse, dans Le Petit Parisien, le bilan amer de l'année 1928 et appelle à une vigilance citoyenne renforcée :

"C'est notre faute, s'il y a ce « scandale » et s'il y a tant de scandales financiers... Si nous prenions soin de veiller avec un peu plus de sûreté et un peu moins d'indolence sur les agissements des messieurs et des grosses dames qui trafiquent dans la finance, l'épargne publique, sans doute, serait moins souvent détroussée.

Et puis, pourquoi tenons-nous à faire un « scandale » de cette escroquerie crapuleuse et ordinaire ? Est-ce que le « scandale » serait pour nous une distraction — une sorte de jeu malsain et déprimant ? N'y a-t-il pas en France autre chose que cette misère ?... Et la politique ?... Est-ce la faute à l'année si la politique, dans ces derniers jours, se met à perdre la boussole ?

Cette année, du travail utile a été fait. Cette année, des lois sociales ont été votées. Cette année, la France a beaucoup travaillé, beaucoup produit. Elle a percé des tunnels, jeté des ponts, refait des routes, électrifié des réseaux de chemins de fer.

En vérité, l'année qui finit mal devrait finir très honorablement. Le seul vrai scandale, c'est qu'elle finisse mal par notre faute, par notre seule faute, par notre très grande faute."

Retrouvez le second volet consacré à l'affaire Hanau.