Écho de presse

Le Londres fantastique de Gustave Doré

le 17/12/2019 par Pierre Ancery
le 04/09/2017 par Pierre Ancery - modifié le 17/12/2019
RetroNews : Lugate Hill, Gustave Doré ; 1872 - source Gallica BnF

En 1875 paraît l'édition française du recueil de gravures « Londres : un pèlerinage », chef-d’œuvre du dessinateur Gustave Doré, sur un texte de Louis Énault.

À la fin des années 1860, Gustave Doré est sans doute l'illustrateur le plus célèbre d'Europe. On lui commande des gravures d'Allemagne, de Russie, d'Angleterre. En 1869, Blanchard Jerrold, un journaliste britannique ami de Dickens et de Thackeray, lui propose de travailler avec lui sur un portrait de la capitale anglaise alors en plein essor (la population a explosé depuis la Révolution industrielle, en faisant la première ville du monde).

 

Doré accepte : avec Jerrold, ils parcourent la ville pendant des mois, ne négligeant aucun quartier, aucune sphère de la société londonienne, depuis les riches salons de Mayfair aux taudis de l'East End, en passant par les somptueux jardins de l'ouest de la capitale et les sinistres Docks encombrés de mâts et d'entrepôts. Pendant ces visites, Gustave Doré dessine peu, préférant se servir de sa mémoire pour reconstituer ensuite les décors qu'il a traversés.

 

Intitulé London : a Pilgrimage, le résultat comporte 180 gravures d'une extraordinaire richesse graphique. Publié en Angleterre en 1872, l'ouvrage est un best-seller. L'édition française, accompagnée d'un texte de Louis Énault, paraît quant à elle en 1875. Elle est aussitôt saluée par la critique.

 

Le Soleil s'enthousiasme et salue le génie du prolifique illustrateur :

"Londres comptera dans l’histoire de son crayon infatigable. On dit qu’il se répète quelquefois : Homère aussi. Nous ne voulons pas le comparer à Homère ; mais il en a, à quelques égards les tons épiques et il est plus fécond."

La Presse écrit :

"Il se dégage [de l'ouvrage de Doré] quelque chose de corrompu et de grandiose à la fois [...].

 

Ce livre est fait pour s'imposer à l'admiration des connaisseurs, aussi bien qu'à la curiosité du public. Ceux qui connaissent Londres, l'y retrouveront dans sa grandeur multiple, et ceux qui ne le connaissent pas, ne manqueront pas de s'en faire une idée exacte et saisissante."

 

Le livre est en tout cas mieux reçu qu'en Angleterre où, en dépit de son succès commercial, plusieurs voix se sont élevées pour le critiquer. Il faut dire que la vision qu'il offre de la capitale, scindée entre des quartiers où règne l'extrême richesse et d'autres marqués par la misère absolue, n'est pas forcément flatteuse : Doré, qui a illustré Dante de 1861 à 1868, ne peut s'empêcher de donner à son portrait de Londres une allure de Divine Comédie moderne. Avec d'un côté le Paradis de l'opulent West End, ses salons richement décorés, ses parcs aux lumières féeriques, sa population à la beauté resplendissante...

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… et de l'autre, l'Enfer de l'East End, avec ses tripots, sa misère, ses conditions hygiéniques déplorables, ses rues grouillantes d'enfants affamés et son peuple en haillons.

 

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Le Londres de Doré reste aujourd'hui, par la luxuriance de ses détails, la minutie de son dessin et la puissance de ses éclairages, un des sommets de la carrière de l'illustrateur. Ce dernier mourra en 1883, à 51 ans, laissant derrière lui près de 10 000 illustrations.