Écho de presse

Le Soviet selon la presse française : « chaos et anarchie »

le 28/01/2021 par Marina Bellot
le 17/10/2017 par Marina Bellot - modifié le 28/01/2021
Une affiche russe à la gloire de l'Armée rouge - Source : Gallica BnF

En 1917, la Révolution d'Octobre crée en France une inquiétude sans précédent, faisant craindre un désengagement des soldats russes alliés.

25 octobre 1917. Lénine et Trotski organisent un soulèvement armé à Petrograd contre le gouvernement provisoire dirigé par Kerenski. Alors que la guerre est de plus en plus impopulaire et les pertes russes très lourdes, le coup de force bolchevique réussit : les représentants des Soviets de tout le pays approuvent l'insurrection. Le 26 octobre, Trotski annonce officiellement la dissolution du gouvernement.

En France, les journaux rendent compte des « convulsions russes », avec en toile de fond une préoccupation majeure : leurs répercussions sur la poursuite de la guerre. La Russie, considérée comme un immense réservoir d’hommes, est en effet une alliée de taille.

La révolution d'Octobre – nom donné au coup de force de Lénine et Trotski – a renforcé les craintes. Car les Soviets sont désormais maîtres de la Russie, avec un mot d'ordre : « Vive la révolution des soldats, des ouvriers, des paysans ! »

La Lanterne du 10 novembre se fait l'écho de ses premières proclamations :  

« 1° Tout le pouvoir appartient aux Soviets. Les commissaires du gouvernement sont relevés de leurs fonctions. Les présidents des Soviets communiquent directement avec le gouvernement révolutionnaire. Tous les membres des comités agricoles arrêtés sont aussitôt à remettre en liberté et les commissaires qui les ont arrêtés sont à arrêter à leur tour ;

2° La peine de mort, rétablie par Kerensky, sur le front, est supprimée. La liberté complète de propagande politique est rétablie sur le front. Tous soldats et officiers révolutionnaires arrêtés sous l'inculpation de crimes soi-disant politiques, sont aussitôt à remettre en liberté. [...]

La cause pour laquelle luttait le peuple, c'est-à-dire la proposition de la paix démocratique et le contrôle des ouvriers sur la production et la constitution d'un gouvernement du Soviet, est assurée. Vive la révolution des soldats, des ouvriers, des paysans ! »

Le puissant Soviet de Petrograd, en particulier, est décrit comme une machine à semer le trouble et l’anarchie et à mettre en péril la discipline des soldats au front.  

Ainsi, on peut en lire dans L'Ouest-Éclair cette description :

« Or, dans le Soviet, que trouve-t-on ? Des primaires, des gens qui ignorent les connaissances les plus élémentaires de l'histoire, de la géographie, de l'ethnographie, de la politique et du droit international. Les gens des Soviets ont promis aux ouvriers de gros salaires et peu de travail, aux paysans la terre du voisin, à tout le monde la paix. Le peuple n'a pas encore compris qu'ainsi on menait le pays à la famine, à la dislocation, à la ruine. »

Dans les colonnes du Journal des débats, le tableau est tout aussi apocalyptique :

« Écoutez les orateurs de là-bas, les généraux, les officiers ; lisez les correspondances du Times, des journaux français, jusqu'à l'Humanité, parcourez les dépêches quotidiennes, et notamment celles qui sont arrivées à Paris depuis vingt-quatre heures ; vous constaterez  que la Russie est un chaos d'anarchie spontanée et de terreur, analogue à celui dont Taine nous a tracé, au début de son histoire de la Révolution française, le tableau inoubliable.

[...] Ils [les Soviets] règnent  dans les villes et dans les villages, fixent des salaires énormes, favorisent les grèves, entravent la production, la culture. La propriété n'est plus respectée, les terres sont pillées, les maisons annexées, les propriétaires parfois massacrés, les taxes locales tombent dans les poches des comités. Le Soviet de Petrograd s'est octroyé 700 000 roubles de traitement par mois : les autres à l'avenant. Des sommes immenses destinées au ravitaillement ont été dilapidées : la famine est imminente. Incapables de rien réformer, de rien fonder, les soviets ne créent que des architectures de ruines. »

Début 1918, après des premiers mois très difficiles pour le nouveau gouvernement bolchévique, dans un contexte de crise absolue, un embargo économique contre la Russie rouge est ratifié par les plus grandes puissances mondiales. Allemagne, Japon, Grande-Bretagne, France et États-Unis décident de couper tout rapport marchand avec le pays.

Du nord au sud, des poches de rébellion pro-tsaristes se révoltent devant la prise de pouvoir de Lénine. C'est le début de la guerre civile.