Léon XIII, le premier pape "social" ?

La "lettre circulaire" (étymologie du mot "encyclique") publiée par le pape Léon XIII en 1891 fit beaucoup de bruit lors de sa parution. En effet, dans ce texte intitulé Rerum novarum ("les choses nouvelles"), il exprime sa compassion pour les ouvriers, se prononce pour leur droit à se syndiquer, dénonce le travail des enfants et condamne la cupidité de la bourgeoisie.

"Les rapports entre patrons et ouvriers se sont modifiés. La richesse a afflué entre les mains d'un petit nombre et la multitude a été laissée dans l'indigence. Les ouvriers ont conçu une opinion plus haute d'eux-mêmes et ont contracté entre eux une union plus intime. Tous ces faits, sans parler de la corruption des mœurs, ont eu pour résultat un redoutable conflit."

C'est la première fois qu'un pape aborde ces sujets.

Dans cette encyclique, le pontife s'attaque aussi au socialisme, dont il critique la prétention à supprimer la propriété. Les réactions abondent aussitôt dans la presse française. Le 23 mai, Le Journal des débats reconnaît que "si la forme est très pure et très classique, le sujet et les idées sont des plus modernes". Le Temps du même jour regrette quant à lui que la doctrine du pape demeure trop vague. Même chose du côté de La Presse, qui tout en reconnaissant la nouveauté du propos, relativise l'audace du pontife :

"Les conseils du pape ne changeront pas la face des choses. Nous ne voyons pas bien le prêtre dans le rôle de politicien ou de théoricien, nous le préférons dans celui de pacificateur, se jettant, comme à Fourmies, entre les balles et les pierres pour arrêter l'effusion du sang, calmer les esprits et panser les blessures."

La presse catholique conservatrice, quant à elle (en particulier L'Univers et La Croix), insiste surtout sur la dénonciation que Léon XIII fait du socialisme. Par la suite, l'encyclique Rerum novarum restera comme le texte fondateur de la doctrine sociale de l'Église. Elle aura une grande influence sur la législation sociale des pays à tradition catholique.