Écho de presse

Les adversaires de l'Exposition coloniale

le 29/05/2018 par Pierre Ancery
le 26/08/2016 par Pierre Ancery - modifié le 29/05/2018
Affiche pou l'Exposition Coloniale Internationale, section de Madagascar ; 1931 - Source BnF

Ce rassemblement parisien, organisé en 1931 pour célébrer l'empire colonial français, connut un immense succès populaire. Il fut critiqué seulement par quelques-uns.

En 1931, un événement parisien attire pas moins de 8 millions de visiteurs : l'Exposition coloniale internationale, qui se tient à la Porte Dorée et sur le site du bois de Vincennes, du 6 mai au 15 novembre. L'objectif de cette exposition, dont l'idée avait germé dès 1913, étant de présenter les produits et réalisations de l'ensemble des colonies françaises, mais aussi des autres puissances coloniales – à l'exception notable du Royaume-Uni, concurrent le plus féroce de la France.

 

À l'époque, la République française s'enorgueillit presque unanimement de l’œuvre coloniale, dont elle vante la mission civilisatrice et les bienfaits économiques. En cette année 1931, rares sont ceux qui s'y opposent. Toutefois plusieurs personnes et mouvements, souvent liés au Parti communiste français, vont combattre l'Exposition, qui symbolise à leurs yeux toute l'ignominie de la politique colonialiste de la France.

 

Ainsi Louis Aragon compose un poème intitulé « Il pleut sur l'Exposition coloniale ». Des instituteurs se mobilisent, tout comme des étudiants indochinois qui font circuler des tracts (qualifiés par le journaliste Jean Renaud, cité dans Le Figaro, de « véritables appel à la révolte ou bien au crime »). Le Temps du 3 mars relève quant à lui les accointances de ces mouvements, et en particulier de la Ligue contre l'impérialisme et pour l'indépendance nationale, avec l'Union soviétique.

 

Pendant l'année 1931, c'est dans L'Humanité que l'on trouve les attaques les plus violentes contre l'Exposition, comme dans cette charge parue le 6 avril :

 

"Exposition coloniale ? Exposition colonialiste plutôt ! Il s'agit de démontrer la générosité des grandes puissances et les résultats étonnants dus aux méthodes civilisatrices que l'on applique sur deux tiers du globe : France, Hollande, Belgique, Angleterre établiront, à Vincennes, le bilan de leurs « réalisations ». Mais les palais de plâtre du bois de Vincennes, les fêtes et la musique, suffiront-ils à faire oublier les massacres effroyables qui ont ensanglanté toutes les colonies au cours de ces dernières années ?

Comment oublier, devant les pavillons de la Hollande, la sanglante répression qui écrasa la révolte des Indes Néerlandaises ? Comment oublier les récents massacres aux Indes ? Et la plus habile propagande autour des chefs de la civilisation française fera-t-elle oublier le dépeuplement des pays noirs, le travail forcé et la destruction de 300 villages du Nord-Annam ou du Tonkin par les colonnes de répression et par l'aviation ?"

 

Sur l'injonction du Komintern, une petite contre-exposition est organisée au parc des Buttes-Chaumont, sous l'égide du PCF et de la CGTU. Mais elle ne réunira que 5000 visiteurs en huit mois. En France, le temps de l'anticolonialisme est encore loin d'être venu...