Écho de presse

« Les colonies, quel débouché pour le tourisme ! »

le 29/05/2018 par Marina Bellot
le 06/07/2017 par Marina Bellot - modifié le 29/05/2018
Le Petit Marseillais du 14 aût 1934 - Source : BnF RetroNews

Au début du XXe siècle, la presse française exhorte les Français à partir à la « découverte des colonies ».

En 1909, alors que la France est engagée dans une politique d'expansion coloniale (lire l'édito de Pascal Blanchard), l'Etat crée un Comité de Tourisme colonial auquel il donne pour mission de faire connaître les colonies et d’y créer un "mouvement de voyages".

En 1910, Le Soleil (quotidien traditionnellement monarchiste et tourné vers l'actualité internationale) ne manque pas de rappeler que la France est, dans ce domaine, en retard sur l'Angleterre et les Etats-Unis :

"Maintes questions ont été étudiées qui assureront, dans un avenir prochain, au Tonkin, au Cambodge, à l’Annam, à la Cochinehine, à Madagascar les bénéfices du grand tourisme international. [...] Alors que l'Angleterre surtout, l’Amérique, le Japon s’efforcent d’appeler vers leurs possessions d’outre-mer ou vers leurs beautés continentales, leurs nationaux et les étrangers dont l’attention est sans cesse sollicitée par une publicité mondiale qu'entretiennent à grands frais l'affiche, le guide, le tableau mural, la publication illustrée, les annonces directes et les prospectus de bureaux spéciaux de voyages. Rien de semblable, ou presque rien, n'existe en France au profit de nos colonies, et l'on étonnerait bien le touriste français qui s’en va au Japon, comme l’étranger lui-même, en leur apprenant que le Cambodge, par exemple, contient des merveilles comme n’en connaît point le pays du Soleil Levant, et que les temples d’Ângkor n’ont rien de comparable dans aucun pays du monde. C'est à cet état de choses que le Comité de Tourisme colonial s’efforce de remédier."

Et le quotidien de vanter les beautés des pays d'Extrême-Orient :

"L’Algérie et la Tunisie, par leur caractère commun, par leur position géographique, par la fréquence de leurs relations entre elles et avec la métropole et par une facilité déjà très suffisante des accès de leurs régions même reculées, constituent bien, en effet, un domaine touristique particulier. Prolongement de la France, riches en beautés naturelles et architecturales, abondantes en pittoresque, et plus propres qu'aucune autre de nos possessions à bénéficier immédiatement d’une organisation touristique plus facilement réalisable, l'Algérie et la Tunisie représentent la partie extracontincnlale du tourisme français, dont nos pays d'Extrême-Orient représentent la partie coloniale proprement dite. [...]

Il ne manque, en effet, à nos possessions d’outre-Méditerranée que d’être mieux connues pour être visitées, et pour l'être régulièrement par un nombre toujours croissant de touristes français et étrangers. C'est une erreur, et qui leur est des plus préjudiciables, que de croire l’Algérie et la Tunisie impropres au grand tourisme. Les routes, nombreuses, y sont excellentes et propres à tous les modes de locomotion. Les chemins de fer pénètrent assez avant dans le pays et rayonnent assez pour permettre des excursions prolongées. [...] Pour ce qui est des beautés particulières de notre Afrique septentrionale, on ne saurait les dénombrer en un bref article. Ruines majestueuses, cités arabes, centres religieux, villes pittoresques, montagnes couvertes île forêts et coupées de gorges magnifiques vallées où s’espacent les douars, lieux de rencontre des caravaniers, des sédentaires et des nomades, mosquées où des foules accourent en pèlerinage, marchés où se rencontrent tous les types africains des hommes de l'Islam, offrent aux touristes un champ inépuisable en merveilles qui forcent l'admiration. Et les magnifiques spectacles qu'on s'en va chercher à grands frais en Egypte, nous les avons à nos portes. Matins éblouissants, soirs flamboyants, nuits étoilées, l'étendue illimitée du désert, l’immense solitude autour des tentes, le silence, la magnificence accablante du ciel, tout cela, nos terres françaises de par-delà la Grande Bleue l’offrent aux touristes qui viendront leur demander ces sortes d'émois profonds dont la vertu presque divine réveille en nous l’âme des âges primitifs."

Quinze ans plus tard, le tourisme dans les colonies est pourtant toujours en berne, comme le déplore le journal communiste L'Homme Libre :

"Le tourisme, ses industries et son commerce sont en progression manifeste. C'est avec plaisir que nous le constatons. [...] Mais si l'on peut se féliciter du travail accompli dans la Métropole, l'on est bien obligé de remarquer que les colonies n'ont pas suivi le mouvement. Et cependant, les Colonies, quel débouché et quel avenir pour le tourisme !"

Le Petit Marseillais en 1934 n'est pas moins alarmiste  :

"Ce n’est pas d'aujourd'hui que la question du tourisme colonial se présente l’examen des hommes que préoccupe la situation économique des colonies. Pour la prospérité de celles-ci il convient de ne négliger aucun facteur. Or le tourisme est certainement générateur de circulation de capitaux : il provoque une « exportation intérieure » dont on ne saurait méconnaître l’importance. [...]

On comprend sans peine, à moins de parti pris ou d’aveuglement obstiné, n’est-ce pas, qu'une nation cherche à exploiter le sol et le sous-sol du pays ; que le colonisateur s’efforce de tirer partie de la terre offerte a sou activité; mais doit-on négliger une ressource en somme aussi naturelle que les autres ; la splendeur des sites, la superbe grandeur des montagnes, les riants développements des fleuves, des vallons, les vestiges artistiques de pierres millénaires, témoins d’une civilisation disparue ! Nous avons tort de ne pas offrir ces beautés à la curiosité des touristes du monde entier. [...]

Ainsi que l’a dit un écrivain colonial qualifié, M. Roudet-Saint, « le tourisme est la meilleure, la plus fructueuse publicité dont puisse bénéficier l'action coloniale : dans tout touriste, il peut y avoir un pionnier nouveau ou un commandataire en puissance ».  N’est-ce pas votre avis ?"