Écho de presse

L'homme qui voulait décrocher la Lune

le 04/06/2018 par Pierre Ancery
le 16/11/2016 par Pierre Ancery - modifié le 04/06/2018
Affiche pour Le Voyage dans la Lune, opéra-féerie d'Offenbach ; Jules Chéret ; 1875 - Source Gallica BnF

Dans les années 20, un ingénieur américain propose d'atteindre la Lune à l'aide de fusées. La presse éclate de rire.

L'ingénieur et physicien américain Robert Goddard, qui travaille depuis 1909 sur la réalisation de fusées à étages et à propulsion liquide, n'a qu'un rêve : les envoyer dans l'espace. Et pourquoi pas jusqu'à la Lune...

 

Mais dès qu'elle a connaissance des projets de Goddard, la presse américaine les tourne en ridicule. En 1920, le New York Times l'accuse d'ignorance, affirmant qu'il semble manquer à Goddard "les connaissances du niveau de l'école secondaire". La presse française emboîte le pas à son homologue et début 1921, les plaisanteries fusent dans les journaux parisiens.

 

Le 31 mars, on lit dans L'Intransigeant :

 

Le professeur Goddard a déclaré la guerre à la Lune […]. Dans le silence profond de son observatoire, il fourbit son canon et prépare ses projectiles. […] La Société des Nations aura-t-elle une autorité suffisante pour empêcher le professeur Goddard de commettre son épouvantable forfait ?

 

Le 7 mai, Le Journal amusant sourit à l'idée d'envoyer aux Sélénites un obus contenant "un certain nombre d'échantillons propres à donner aux gens de la lune la plus haute idée de notre avancement intellectuel et moral" :

 

À savoir : deux mitrailleuses, une dizaine de fusils, avec toutes les munitions nécessaires ; douze kilos de gaz asphyxiants ; un modèle réduit d'une guillotine et d'un appareil à électrocuter ; un collier de perles ; deux mercantis ; une demi-douzaine de bureaucrates ; un demi-litre d'eau-de-vie ; un exemplaire sur papier japon du traité de Versailles, avec la manière de s'en servir.

Quant à La Lanterne, elle écrivait en janvier 1920 :

 

Laissons Phœbé tranquille. Elle ne sait ni quel honneur lui font nos poètes, ni de quelle disgrâce l'afflige une comparaison chère aux hommes mal élevés. Ne point aller chercher ce qu'on fait dans la Lune — mais bien aller chercher ce que l'on fait chez nous — où nous voyons aller tout sens dessus dessous.

 

Robert Goddard est aujourd'hui considéré comme un des grands précurseurs du voyage spatial et ses travaux comme des étapes révolutionnaires dans le développement de l'astronautique. Le 17 juillet 1969, le New York Times reconnaîtra d'ailleurs son erreur et présentera ses excuses.

 

Un des cratères de la Lune porte le nom du scientifique, disparu en 1945.