Écho de presse

Mozart, génie posthume

le 20/01/2019 par Pierre Ancery
le 18/06/2017 par Pierre Ancery - modifié le 20/01/2019
Leopold Mozart et son fils Wolfgang, âgé de sept ans ; estampe de Jean-Baptiste Delafosse ; 1764 - source Gallica BnF

L'œuvre du compositeur autrichien ne fut reconnue à sa juste valeur qu'après sa mort, dans les premières décennies du XIXe siècle.

Le 27 décembre 1791, le Mercure universel, dans un bref article paru en première page, annonce la mort d'un "grand compositeur" autrichien, Wolfgang Amadeus Mozart :

 

"Vienne, 7 décembre. Le fameux Mozart, maître de musique de la chapelle de cour, et substitut en l'église de Saint-Étienne, grand compositeur, est mort le 5 de ce mois, dans sa 34e année. Tout Vienne est justement affecté de la perte d'un homme inimitable dans son art. Il eût pu laisser après lui de grandes richesses, mais il laisse au contraire beaucoup de dettes, sa femme et ses enfants dans la misère ; un commis prêta dix florins sur sa montre pour le faire enterrer."

 

 

Le 30 décembre, le même journal ajoute :

 

"Tout le monde s'empresse à réparer la perte de la veuve de Mozart et à la consoler. Le baron de Swieten s'est chargé du fils, et la comtesse de Thurn adopte la fille."

 

C'est tout. Dans les années qui suivent, la presse est quasi-muette concernant Mozart. Celui qui, encore enfant, émerveillait les cours d'Europe par ses dons musicaux, le compositeur prolifique qui toucha à tous les genres et fut fêté par l'empereur Joseph II, n'aura eu droit qu'à un enterrement de troisième classe et à quelques lignes dans la presse.

 

Le fait que le Mercure universel ne cite aucune de ses œuvres mais mentionne ses dettes révèle d'ailleurs qu'au moment de sa mort, Mozart était loin d'être reconnu à sa juste valeur. Disparu alors qu'il achevait de composer son désormais fameux Requiem, il mourut en effet solitaire et délaissé par le public viennois. Sa véritable heure de gloire ne viendra que quelques années après sa mort.

 

Cet article du Courrier des spectacles de 1805, par exemple, se présente comme une véritable réhabilitation du Don Juan du compositeur viennois :

 

"Mais au milieu de toutes ces accusations, on est généralement d’accord sur un point qui peut servir a la justification des accusés ; c’est que la musique de Mozart a besoin d'être entendue plusieurs fois pour être bien appréciée ; c’est qu’elle ne produit pas son effet sur-le-champ et par ces surprises rapides et irrésistibles qui ne permettent pas la réflexion. Son action est une puissance douce et paisible qui demande des sujets éclairés et sensibles ; elle ne subjugue pas par la force ; elle pénètre dans les cœurs sans violence et sans efforts ; on la compare aux tableaux de quelques grands maîtres qu’on n’admire qu’avec discernement et réflexion."

Le basculement a lieu, et les premières décennies du XIXe siècle feront de Mozart un génie absolu. À tel point que son prestige en irrite certains, comme ce journaliste du Figaro qui, en 1839, se moque des admirateurs du maître :

 

"L'enthousiaste de Mozart est, sans contredit, la variété de l'espèce la plus ennuyeuse qui existe dans la grande famille des dilettantes. L'enthousiaste de Mozart, en entendant la musique de ce grand maître, a des visions célestes, il assure qu'il entend très distinctement les sons des harpes d'or des Séraphins, et les sublimes harmonies des astres roulant aux cieux. Mais pour que son enthousiasme se soutienne toujours à la même hauteur, il y a une condition indispensable, il faut qu'il soit prévenu qu'on va lui donner de la musique de son divin compositeur."

 

 

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