Écho de presse

Pour les trains de nuit

le 28/06/2021 par Marina Bellot
le 19/05/2016 par Marina Bellot - modifié le 28/06/2021
gare de Meudon ; Agence Rol ; 1913 - Source BnF

En 1896, la banlieue parisienne donne de la voix : élus et travailleurs réclament la création de trains de nuit.

En 1896, les communes de la banlieue de Paris pétitionnent auprès du ministre des travaux publics pour obtenir la création de trains de nuit, comme l'explique Le Constitutionnel :

 "A l'appui de leur demande, les Conseils municipaux des communes suburbaines énumérèrent les nombreux services que les trains de nuit rendraient aux ouvriers obligés de se trouver de très bonne heure à Paris et aux maraîchers qui pourraient en profiter à l'aller et au retour. Il est incontestable que la création de ces trains économiserait beaucoup de temps et de fatigue à une classe fort intéressante de la population."

La plupart des journaux prennent fait et cause pour les pétitionnaires. Le Rappel mène depuis avril dans une campagne tous azimuts pour la création de trains de nuit entre Paris et la banlieue.

"Accorder le train de trois heures du matin, ce sera non pas, comme le croient des esprits étroits, vider Paris au profit de la banlieue, mais au contraire agrandir Paris, l'agrandir de toute la banlieue."

Le quotidien consacre de très nombreux articles à la question, relayant les appels des maires de banlieue, comme en novembre 1896 :

"Monsieur le ministre,

Au nom des communes de la banlieue, dont nous sommes les délégués et les représentants élus, nous venons vous apporter les réclamations qui suivent :

Paris et la banlieue se plaignent très vivement, depuis longtemps, des moyens de communication. (...)

Cette situation, monsieur le ministre, porte un préjudice considérable à Paris et aux nombreuses communes de la banlieue. Les habitants des communes suburbaines ne peuvent, en liberté, rester tard à Paris pour leurs affaires ou pour leurs plaisirs. Pour les Parisiens, pour ceux dont le travail dure jusqu'à une heure ou deux heures du matin, il leur est interdit d'aller en banlieue. Les premiers, s'ils vont au théâtre, sont tenus de rentrer précipitamment; les seconds n'ont jamais les agréments de la campagne.

Paris proteste ; la banlieue proteste."

L'article relaie également la pétition des travailleurs de nuit :

"Libres au plus tôt à deux heures du matin, exténués par une tâche des plus pénibles, n'ayant plus aucun moyen de transport, les ouvriers typographes sont obligés de regagner à pied leur domicile, que leur modeste état de fortune les force généralement à choisir dans les quartiers les plus éloignés du centre. Ils auraient donc tout avantage à habiter la banlieue de Paris, où, au point de vue hygiénique, ils vivraient dans un milieu beaucoup plus sain que celui que leur offrent les grandes agglomérations des faubourgs. Pour arriver à ce résultat, il suffirait d'obtenir des compagnies de chemins de fer la création de trains de nuit qui partiraient vers trois heures du matin.

Les ouvriers typographes ne sont pas les seuls qui aient intérêt à réclamer le train de nuit en banlieue. Sont également intéressés : les artistes, les machinistes, les chanteurs, les journalistes, les électriciens, les gérants, garçons de cafés et brasseries, etc., qui ne sont pas libres non plus avant une heure ou deux heures du matin."

En dehors des difficultés que soulève l'organisation d'un pareil service dans les gares déjà encombrées, les pétitionnaires devront compter arec l'opposition irréductible du Conseil municipal de Paris, comme l'explique Le Constitutionnel :

"Vingt fois, le Conseil municipal s'est opposé à la création d'un chemin de fer métropolitain dans la crainte de favoriser cet exode tant redouté et quand, forcé dans ses derniers retranchements, il a dû prendre une décision, il s'est rallié à une combinaison qui, au lieu de favoriser les communications entre le centre de Paris et la banlieue, les rend absolument impossibles puisque le Métropolitain à voie étroite ne pourra se raccorder avec les quelques lignes de pénétration déjà existantes. Il est donc à craindre que les communes suburbaines en soient pour leurs frais et que les pétitions restent à l'état de lettre morte."

Une analyse qui s'avèrera juste, puisque les trains de nuit Paris-banlieue ne verront pas le jour.