Écho de presse

Ravel, gloire nationale

le 20/01/2019 par Marina Bellot
le 06/01/2017 par Marina Bellot - modifié le 20/01/2019
Maurice Ravel / Achille Ouvré ; 1909 - Source : BnF Gallica

À sa mort en 1938, la presse française rend un hommage appuyé à Maurice Ravel, salué comme l'un des plus grands musiciens de son époque.

Un musicien de génie et un homme d'honneur : ainsi la presse française décrit-elle le compositeur du célèbre Boléro dans les nombreux hommages qui lui sont consacrés à sa mort en décembre 1937, alors qu'il n'avait que 63 ans. Figure la plus influente de la musique française de son époque, sa disparition est vécue comme une immense perte pour le pays. 

La presse regrette pourtant l'absence de "démonstrations nationales" à la hauteur du personnage, comme on peut le lire dans L'Intransigeant :

« Il n’empêche que la perte subie par la France et la Musique, si douloureusement ressentie dans tous les pays du monde, n’a pas, semble-t-il, été entourée des démonstrations nationales qui auraient convenu... On imagine ce que l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie ou même l'U.R.S.S. auraient, en pareille circonstance, imaginé pour glorifier cette illustre mémoire... »

"Une des gloires les plus pures et les plus hautes de la France. [...] Ravel sait murmurer à notre cœur les mots secrets qui le touchent d'une blessure vive et pénétrante", écrit Le Ménestrel qui lui consacre un très long papier, retraçant notamment son parcours d'apprenti musicien :

« À la classe de piano, Ravel ne se montrait pas particulièrement brillant. Le « don » lui manquait peut-être un peu, et puis il ne travaillait pas assez. Il n'avait guère que deux morceaux à son répertoire, qu'il « sortait » à toute occasion et notamment aux « séances d'élèves » de M. de Bériot : la Bourrée fantasque et la Fantaisie de Schumann : il les jouait avec de curieuses intentions, mais avec une technique assez gauche. Il songeait évidemment à autre chose : à la composition. Ses premiers essais, dont il effarouchait son maître de piano, lui donnaient l'apparence d'un révolutionnaire. Et cependant, chez Pessard, Gédalge ou Gabriel Fauré (auprès desquels il étudiait l'harmonie, le contrepoint et la fugue, la composition), comme il se montrait sage ! L'élève le plus docile, le plus soumis, le plus soucieux d'appliquer strictement les règles. »

Dans L'Ouest-Éclair, c'est le poète et romancier Géo-Charles qui prend la plume pour raconter sa rencontre avec le musicien :

« J'avais l'honneur et la joie (si amère aujourd'hui) de rendre visite avec ma femme à cet homme de génie, d'un abord si simple, au cours de l'automne dernier.

Malgré le mal qui le minait, Maurice Ravel nous réserva un bien touchant accueil qui restera gravé en notre mémoire comme un des plus émouvants souvenirs de notre vie.

Jamais nous n'aurions pu supposer que cet homme de petite taille, aux admirables proportions, d'une tenue et d'un aspect si juvéniles, pût avoir dépassé la soixantaine.

Maurice Ravel, s'entretient avec nous de ce qu'il aimait par dessus tout au monde : son Art, de la radio aussi, difficultueusement, mais avec une bonne volonté qui nous émut violemment. C'était vraiment dramatique de voir le beau visage pensif de Ravel se crisper, d'entendre sa voix qui voulait nous éclairer encore, de suivre l'effort tendu de ce cerveau qui avait donné à la France et au monde quelques-unes de leurs harmonies les plus pures. Quand nous descendîmes les marches du perron, nous avions peine à retenir nos larmes. »