Écho de presse

Visite dans les « bas-fonds » du Paris des années 1920

le 09/09/2018 par Pierre Ancery
le 14/02/2017 par Pierre Ancery - modifié le 09/09/2018
RetroNews : le Faubourg Montmartre, la nuit ; Agence Rol ; 1923 - Source Gallica BnF

En 1927, un journaliste de Paris-Soir signe une série de reportages sur la vie nocturne dans les quartiers louches de la capitale.

Les "bas-fonds" de la capitale, ces quartiers où se côtoyaient misère sociale et criminalité, ont toujours fasciné. Leur description est même un genre en soi : ainsi du chansonnier Aristide Bruant dont le livre Les Bas-fonds de Paris, en 1897, "fustige et flétrit en même temps qu'il peint au vrai, d'après nature, les pires des hontes et des plaies sociales" selon Le Petit Journal du 28 janvier de la même année.

 

À partir du 7 avril 1927, c'est le journaliste Claude Blanchard qui offre aux lecteurs de Paris-Soir une "plongée" dans les milieux les plus sordides de Paris, chez les "âmes gâtées" et les "faces moisies" qui, la nuit, hantent ses rues.

 

« La Moco, le Topol et la Mouffetafago – entendez : la place Maubert, le Sébastopol et la rue Mouffetard – m'ont révélé leurs honteuses maladies. Tout ce qu'on trouvera dans ces articles a été vu ou entendu. Devant moi, la faune extraordinaire qui pullule dans ce chancre immonde que Paris exhibe en son plein milieu, à deux pas du boulevard Saint-Michel, a continué à vivre sans défiance. Elle ne montre un peu d'activité sournoise que pour une seule chose : le vol, que pour le culte d'un seul dieu : la paresse. »

Au fil de ses articles, Blanchard emmène ses lecteurs de la place de la République à la rue Mouffetard, en passant par Pigalle ou Anvers, à travers des bars mal famés, au fond de dancings douteux, et même dans une maison de passe peuplée de "messieurs qui sont des dames"...

Si ces reportages à la première personne ne sont pas exempts d'un certain voyeurisme, ils ont le mérite de faire vivre avec talent le petit peuple de Paris. Demi-escrocs, batteurs d'estrade, taxis de nuit, caïds de Montmartre, trimardeurs, femmes légères du quartier Saint-Martin ou ivrognes "mâchonnant à mi-voix leurs vieux rêves" : le journaliste dresse une formidable galerie de personnages dont il restitue avec précision le langage fleuri.

 

« Parmi la foule, pressée comme bestiaux à l'abreuvoir, un homme de grande stature, aux yeux débonnaires de poivrot éternel, tenait boutique de rigolade. Il était dépenaillé, mais avait cet air de dignité baroque que l'ivresse donne parfois aux misérables.

On l'appelait Tataou le dévoyé.

Il sermonnait le garçon en levant un index raisonneur.

C'est-y qu't'as des boules de gomme dans les esgourdes, ou bien les tubes auditifs bouchés ? J'ai dit et je répète, pour moi c'est un petit rhum.

Ponpon m'expliquait toujours, de sa voix fluette, en un langage que son admirable argot rendait difficile à suivre :

Tataou, c'est une victime de la Maub', comme bien d'autres. C'est un brave type. C'est pas lui qui se mouillerait dans un vol ! La chichi'nette, c'est pas son genre. Il n'a jamais fusillé personne. Et pourtant, tu vois, il est là. »

La série, qui s'achève sur la vision de jeunes filles dansant à Montmartre, au Moulin de la Galette, au son d'un jazz band, se poursuivra jusqu'au 22 avril.

Notre sélection de livres

Le Vice à Paris
Pierre Delcourt
L'Écume de Paris
Albert Wolff
Paris étrange
Louis Barron
Paris horrible et Paris original
Georges Grison
Paris-Police
Charles Virmaître