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La mort du maréchal Ney en 1815

le par - modifié le 07/12/2022
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Le 7 décembre 1815, le « Brave des braves », le maréchal Ney, est fusillé. Jugé par la Chambre des Pairs, il est le bouc émissaire de la droite royaliste mais devient le héros du panthéon bonapartiste. 

Juger un militaire ?

Débarqué au Golfe-Juan, Napoléon est déclaré traître par les chambres dès le 6 mars 1815. Le lendemain, reçu par le roi Louis XVIII, le maréchal Ney lui déclare qu’il entend ramener Napoléon à Paris « dans une cage de fer ». Ne disposant pas des moyens nécessaires et sans directives précises, il se sent isolé et se met finalement au service de l’Empereur qu’il rencontre le 18 mars 1815 à Auxerre. Durant les Cent-Jours, il participe à la campagne militaire qui se termine sur le champ de bataille de Waterloo le 18 juin 1815.

Le maréchal Ney est arrêté près d’Aurillac, ramené à Paris et enfermé à la Conciergerie. De nombreux royalistes l’érigent en symbole de la trahison de l’armée et exigent à ce titre son jugement. Étant militaire, c’est donc au conseil de guerre de le juger mais le doyen des maréchaux, le maréchal Moncey, refuse d’en assumer la responsabilité. Il est remplacé par le maréchal Jourdan. Ne voulant pas être jugé par ses anciens compagnons d’armes, le maréchal Ney demande à être jugé par la Chambre des pairs. Le conseil se déclare alors incompétent.

Serrement de nez (Serment de Ney), 1815 - source : Gallica-BnF

Un procès politique

Le 11 novembre 1815, la Chambre des pairs se constitue en cour de justice. Le procès débute le 21 novembre 1815. Preuve de la singularité de ce procès politique, l’acte d’accusation est signé par l’ensemble des ministres. Le 4 décembre 1815, l’audition des 37 témoins débute. Parmi les témoins à charge, il y a le lieutenant-général comte de Bourmont et le marquis de Soan, aide de camp de Monsieur. La défense fait paraître notamment le maréchal Davout, prince d’Eckmühl, et le comte de Bondy, ancien préfet de la Seine.

Après trois jours d’audience restranscrites dans les colonnes du Journal des Débats politiques et littéraires du 6 décembre 1815 les 161 pairs répondent aux trois questions posées. Le maréchal Ney est reconnu coupable d’avoir reçu des émissaires de l’Empereur durant la nuit du 13 au 14 mars, d’avoir lu une proclamation séditieuse et d’avoir commis un attentat contre la sûreté de l’État. La sentence, condamnant le maréchal Ney à la peine de mort, est lue en l’absence de l’accusé. La presse, comme Le Journal des débats, se félicite de l’attitude de la Chambre des pairs dans ce procès mémorable.

Le 7 décembre, après avoir reçu la visite de son épouse, de son notaire et de son confesseur, le maréchal Ney est conduit avenue de l’Observatoire. Un récit détaillé des derniers instants de vie du maréchal est donné dans Le Constitutionnel. Refusant qu’on lui bande les yeux, le maréchal s’adresse aux soldats, protestant contre sa condamnation. Il est fusillé à 8h30.

La mémoire du maréchal Ney : un enjeu politique

Le souvenir du maréchal Ney reste vif chez les partisans de l’Empire, devenant une victime expiatoire des Bourbons. Sous la monarchie de Juillet, le destin du maréchal Ney commence à intéresser l’opinion publique. Des ouvrages lui sont consacrés, comme celui de B. Dupont intitulé La Mort du maréchal Ney. En 1831, une pièce de théâtre lui est consacrée (Le Procès d’un maréchal de France de Fontan et Dupeuty). En raison des événements politiques de l’année 1834, le procès du maréchal devient un symbole.

La IIe République se saisit de sa mémoire, notamment Anaxagore Guilbert qui dédie son livre sur la vie du maréchal aux républicains. Le 18 mars 1848, le gouvernement provisoire ordonne l’élévation d’un monument à sa mémoire sur l’emplacement même de son exécution. Napoléon III saisit fort logiquement l’occasion pour réhabiliter totalement le maréchal Ney. Le monument est inauguré le 7 décembre 1853.

 
Au pied d'un tombeau on lit : "8 décembre 1815" et un drapeau tricolore sur lequel est inscrit : "Assassinat Juridique". 2° Liste des "Juges qui siègent encore à la cour des Pairs" et des "Juges éliminés." ; 1835 - source : Gallica-BnF
La Caricature morale, politique et littéraire, 07 mai 1835 - source : Gallica-BnF

Michel Ney (1769-1815)

Fils d’un artisan tonnelier, Michel Ney s’engage dans une carrière militaire en 1787. Les guerres révolutionnaires lui offrent l’occasion de montrer ses capacités et lui permettent d’accéder au rang de général de brigade en 1796. Fait maréchal en 1804, il participe aux campagnes napoléoniennes  dont  la campagne de Russie qui lui vaut le titre de Prince de  la Moskowa. Après s’être rallié à Louis XVIII en 1814, il soutient Napoléon Ier durant les Cent-Jours et participe à la bataille de Waterloo. Arrêté, il est jugé par la Chambre des pairs puis fusillé le 7 décembre 1815. 

Le maréchal Ney ; Henri Welschinger, 1893 - source : Gallica-BnF

Bibliographie

 

Pierre Dufey, Procès du maréchal Ney, Librairie Delaunay, Paris, 1815.


Bertrand Goujon, « Monarchies postrévolutionnaires, 1814-1848 », in Histoire de la France contemporaine, Seuil, 2012.


Anaxagore Guilbert, Précis authentique sur la naissance et la mort du maréchal Ney, dédié aux Républicains, Paris, 1848.


Frédéric Hulot, Le Maréchal Ney, Tallandier, 2000.