Écho de presse

La naissance des Impressionnistes en 1874

le 25/05/2018 par Isabelle Chalier
le 25/04/2018 par Isabelle Chalier - modifié le 25/05/2018
Exposition de cinquante œuvres de l'École impressionniste, affiche, Galeries Bernheim-Jeune, du 2 au 25 avril 1903 ; Impr. de la Gazette des Beaux-Arts, 1903 - source : Gallica-BnF

En 1874 s’ouvrait à Paris dans l’atelier de Nadar une exposition qui scandalisa la presse et révolutionna l’histoire de l’art, marquant une étape majeure dans la naissance de l'art moderne. Les artistes qui, par leurs recherches plastiques, venaient remettre en question l'académisme régnant, étaient alors taxés d'"impressionnisme"...

En 1874, Claude Monet a l’idée d’organiser des expositions indépendantes des Salons officiels. Il est soutenu  dans son projet par Pissarro, Renoir ou encore Degas. Le 15 avril 1874,  soit un mois environ avant le vernissage du Salon, s’ouvre ainsi une exposition dans une salle prêtée par le photographe Nadar. Monet y présente douze toiles, Degas dix, Renoir sept… Quelques journaux se réjouissent de l’initiative comme Le Gaulois ou encore Le Rappel du 20 avril 1874 dans un article sur « L’exposition du boulevard des Capucines » 

« Cependant, vous qui entrez, laissez tout préjugé ancien. Il fut un temps sans doute où des peintres naïfs, lorsqu’ils voulaient donner l’idée d’un arbre, peignaient un arbre en effet, avec son tronc, ses branches et ses feuilles.

Ils ignoraient, les pauvres gens, que la peinture doit donner avant tout « l’impression » des choses, non leur réalité même, et que douze piquets de bois jaune, fichés en terre, et de travers, expriment un grand bois beaucoup mieux que ne l’ont jamais fait les arbres touffus et profonds de Rousseau, - pourvu que cinq ou six personnes, prévenues la veille, veulent bien s’écrier, en considérant les piquets : « Ah ! mon Dieu, comme cela donne bien l’impression de la forêt de Fontainebleau ! » D’autres personnes, moins avisées, affirment qu’il s’agit de la forêt des Ardennes. Mais ce sont des hérésiarques. »

Léon de Lora, le critique du Gaulois, dans sa chronique du 18 avril apprécie la plupart des œuvres et adresse des éloges à Monet pour son tableau Le Déjeuner « entièrement peint d’après nature, mais où le réalisme n’a rien que de fort attrayant ». Pour autant les critiques adressées aux artistes sont parfois féroces 

« M. Claude Monet a exposé un grand tableau, intitulé le Déjeuner, entièrement peint d’après nature, mais où le réalisme n’a rien que de fort attrayant. La table, couverte d’une nappe blanche chargée de flacons et de fruits, la mère soignant sa petite fille blonde, la figure de femme qui est adossée à la fenêtre, sont traitées avec un talent réel, et en d’autres temps une œuvre semblable ferait sensation. Des marines, des paysages, une esquisse brillante du boulevard des Capucines, et plusieurs croquis au pastel complètent l’envoi de M. Monet. »

Dans L’Opinion nationale, le journaliste parle également d’ « impressions », repris par le critique d’art Philippe Burty dans La République française du 25 avril. Mais c’est à Louis Leroy que revient l’invention de « l’école des Impressionnistes » dans Le Charivari du 25 avril. Le 29 avril 1874, Castagnary reprend le mot nouveau dans Le Siècle et déclare à propos de Cézanne 

« Quant aux autres, qui, négligeant de réfléchir et d’apprendre, auront poursuivi l’impression à outrance, l’exemple de M. Cézanne (Une moderne Olympia) peut leur montrer dès à présent le sort qui les attend. D’idéalisation en idéalisation, ils aboutiront à ce degré de romantisme sans frein, où la nature n’est plus qu’un prétexte à rêveries, et où l’imagination devient impuissante à formuler autre chose que des fantaisies personnelles, subjectives, sans écho dans la raison générale, parce qu’elles sont sans contrôle et sans vérification possible dans la réalité. »

Dans La Presse du 29 avril 1874, Émile Cardon résume ainsi le style de l’école :

« Salissez de blanc et de noir les trois-quarts d’une toile, frottez le reste de jaune, piquez au hasard des taches rouges et bleues, vous aurez une impression de printemps devant laquelle les adeptes tomberont en extase ».

 

L’exposition s’achève le 15 mai, c’est un échec sur le plan financier (les peintres sont obligés de vendre leurs toiles aux enchères) mais c’est le début d’un mouvement appelé à faire date.