Le Second Empire en 1868 est un régime fragilisé confronté à la montée en puissance de la Prusse et à des revendications pour plus de liberté. Jusque là autoritaire en matière de presse, le gouvernement fait voter la loi du 11 mai 1868 qui supprime l'autorisation préalable, nécessaire à l'époque à toute création d'un nouveau journal.
Cette loi, en rupture avec le régime établi en 1852, est pourtant défendue par Eugène Rouher Ministre d’État et ce à la demande de Napoléon III. L’autorisation préalable et le système des avertissements sont abolis et le droit de timbre est réduit. Pour lutter contre la presse qui lui est opposée, le pouvoir doit désormais entamer des poursuites judiciaires et la répression incombe dès lors aux tribunaux correctionnels.
Henri Rochefort, grande figure de la presse du XIXe siècle, profite de ce contexte favorable pour lancer en 1868 La Lanterne, un journal satirique hebdomadaire qui se remarque par sa couverture rouge illustrée d'une lanterne destinée à « éclairer les honnêtes gens et à pendre les coquins », propos attribué à Pierre Véron, rédacteur en chef du Charivari. C’est immédiatement un gros succès avec des tirages qui dépassent les 120 000 exemplaires. D’un petit format, il se dissimule aisément dans une poche.
Le journal, populaire, se démarque par ses positions antibonapartistes et se livre à une féroce critique du Second Empire. La première phrase est d’ailleurs restée célèbre : « La France compte, dit L'Almanach impérial, trente six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement » (La Lanterne, n° 1, 30 mai 1868). Dans le numéro du 17 octobre 1868 (La Lanterne, n° 21, p.24-25), Rochefort tient également des propos très ironiques sur la généalogie de Napoléon III et sa conception... Le titre se retrouve donc rapidement interdit, ce qui amène Rochefort à s’exiler à Bruxelles auprès d’un autre adversaire du régime, Victor Hugo. Désormais le journal est imprimé en Belgique et vendu clandestinement en France. Cependant Rochefort aspire à revenir en France mais ne demande pas à être amnistié par une autorité dont il ne reconnaît pas la légitimité ainsi qu’il l’exprime dans La Lanterne le 24 juillet 1869.
Le journal paraît jusqu’en 1876. Durant cette courte carrière, La Lanterne exerça une influence notable et participa au changement d'atmosphère qui a caractérisé la fin du Second Empire. L’ironie mordante dont il faisait preuve contribua à l’éveil de l'opinion publique et redonna aux opposants une plus grande confiance dans leurs chances de se faire entendre.