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Le début de la conquête de l’Algérie en 1830

le par - modifié le 05/08/2020
le par - modifié le 05/08/2020

Comment une banale expédition militaire donna naissance à une vaste entreprise coloniale

Une banale affaire d’argent

Depuis le XVIe siècle, l’Algérie est sous la tutelle des Turcs ottomans. Elle entretient depuis longtemps des relations commerciales avec la France et notamment le port de Marseille et vend entre autres du blé pour ravitailler les armées françaises. Or les Français tardaient à régler leurs dettes, ce qui conduit Hussein-Bey, le dey d’Alger, le représentant du sultan, à intervenir et à exiger que la France remplisse ses engagements comme le rapporte Le Constitutionnel : 

«  Le dey s’est plaint alors de l’inexécution des engagements pris par S.S., engagements qu’on prétend avoir été garantis par la France. M. Deval répondit à cette demande avec fermeté, ainsi qu’à celle qui lui avait été faite au sujet du sieur Bacry. Le dey parut choqué, et éclata en menaces, que M. Deval a fait connaître au gouvernement français, ce qui a sans doute provoqué la dépêche télégraphique du 30 mai. » »

 La situation se dégrade et en 1827 le dey inflige un coup d’éventail au consul de France, une humiliation publique qui, dit-on, aurait entraîné l’action militaire française. Le Figaro du 15 novembre 1827 raconte l’épisode avec une verve certaine : 

« Hussein a fait appeler près de lui le consul français, et réclame son sujet et ses sept millions de francs. M. Daval lui parle de gouvernement représentatif, lui conseille d’adresser une pétition aux députés. LE prince barbaresque croit que le consul se moque de lui, et le frappe de son éventail.

A ce coup, le Chrétien, frémissant de colère,

Etat près de saisir son glaive consulaire ;

Mais, diplomate habile, il calme son transport,

Fait un présent au dey, le remercie et sort. »

 

Et de conclure :

« Si nous nous sommes longuement étendus sur cet ouvrage, c’est qu’il nous semble mériter toute l’importance que nous lui accordons. Ce n’est pas seulement une satire piquante, mais un poème charmant […] La faute en est au héros seul ; Nathan Bacry n’es- soupçonné que d’avoir confisqué à son profit la somme de sept millions. »

A ce moment-là, le régime autoritaire de Charles X et la  Restauration sont alors contestés et fragilisés. Le roi, pour réaffirmer son pouvoir dans ce contexte difficile, choisit de répliquer à l’affront subi par le consul en recourant à la force armée.

Débarquement de l'armée française à Sidi-Ferruch ; Charles Gavard, Lambinet et Gudin - source : Gallica-BnF

De l’expédition à la conquête

Hussein-Bey, dey d'Alger ; François Georgin ; Pellerin, Epinal, 1830 - source : Gallica-BnF

Le 14 juin 1830, 37 000 hommes débarquent à Sidi-Ferruch. Le Journal des débats du 20 juin 1830 clame alors « Gloire au drapeau français » : 

« La flotte a touché le rivage d’Alger ; l’armée a débarqué : gloire au drapeau français ! Honneur à la prudence et à l’habile hardiesse de l’amiral Duperré, qui, réparant les fautes du ministère, et corrigeant, par le bonheur de l’exécution, une mauvaise entreprise, a conduit à bien la première et la plus difficile partie de la campagne ! […] Les populations errantes et pillardes du désert seront dissipées à la première vue de nos escadrons, et n’oseront approcher de nos redoutables carrés d’infanterie. »

 

 

En même temps, le journal semble regretter que ce soit une « guerre infructueuse »  dans le sens où le gouvernement a d’ores et déjà décidé l’abandon du terrain conquis : il s’agit alors d’une classique campagne militaire sans volonté de conquérir un territoire. Le Constitutionnel accorde moins de place à l’événement mais se félicite également de la tactique choisie et fait l’éloge des marins et du « brave amiral Duperré », « le chef qui les guide, et qui toujours leur indiqua les sentiers de l’honneur ».

Les 27-28-29 juillet 1830 ou les « Trois Glorieuses » mettent fin au règne de Charles X. S’ouvre alors une période d’indécision en Algérie, ce qui favorise le début d’une résistance menée par Abd el-Kader. C’est seulement en 1843 que la France décidera de se lancer dans une conquête totale.

Lieu du débarquement de l'Armée Française le 14 juin 1830 ; J. Tasse, 1830 - source : Gallica-BnF

Bibliographie

 

D. Bouché, Histoire de la colonisation française, t.2, Flux et reflux, 1815-1952, Paris Fayard, 1991.


J. Meyer, J. Tarrade, A. Rey-Goldziguer, Histoire coloniale de la France, t.1, La conquête, Paris, Armand Colin, 1991.