Au Salon exposent chaque année ceux qui veulent se faire un nom en tant qu’artiste. Les expositions privées restent encore exceptionnelles. Le jury d’admission, composé de membres de l’Académie des Beaux-Arts, défend naturellement la peinture académique. En 1863 de très nombreuses œuvres sont rejetées, nouvelle qui parvient jusqu’à l’empereur. En guise de réponse, d’après Le Moniteur Universel du 24 avril 1863, l'empereur propose aux artistes refusés d’exposer dans une autre partie du palais de l’Industrie, occasion dont beaucoup de peintres se saisissent. Parmi les noms devenus célèbres, on trouve Manet qui avait déjà été refusé en 1859, Pissarro, Whistler ou encore Fantin-Latour.
Dans La Revue française du 1er août 1863, le ton est particulièrement critique, considérant que « La généralité des tableaux refusés est mauvaise. Dans le numéro de juin de la Revue des Deux-Mondes, l’avis de Maxime du Camp est encore plus sévère. Castagnary dans L’Artiste de juillet 1863 assimile le Salon des Refusés à « la fosse commune de l’Exposition ». Et d’ajouter, « Il en a l’aspect temporaire et navré et les hurlantes cacophonies. Visité trop de fois, il apporte à la pensée je ne sais quelle tristesse envahissante. ».
Manet est durement attaqué par la critique. Quelques semaines auparavant, il était exposé dans la galerie de Louis Martinet boulevard des Italiens et dans La Gazette des Beaux-Arts en janvier 1863, Paul Mantz juge que l’art de Manet « n’est pas sain »…Dans La Presse du 27 avril 1863, le journaliste le qualifie de « réaliste », une étiquette alors souvent péjorative et parle d‘un peintre « barbouillant des toiles » et de « charivaris de palettes ». Le Figaro (24 mai 1863), ironise sur Le Bain aujourd’hui connu sous le nom de Déjeuner sur l’herbe.
C’est dans Le Salon du 20 mai 1863, un quotidien qui paraît chaque soir durant le temps de l’exposition qu’est publié un des rares articles élogieux sur Manet, et ce sous la plume de Zacharie Astruc. Il célèbre en Manet « un des plus grands caractères artistiques du temps » et dénonce « l’injustice commise à son égard ».
Tirant la leçon de l’année 1863, le gouvernement impérial décide que désormais le jury du Salon sera composé de membres élus par les artistes eux-mêmes. En 1864, Manet et Pissarro voient leurs tableaux reçus…