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Loi Falloux en 1850

le par - modifié le 05/08/2020
le par - modifié le 05/08/2020

Elu le 10 décembre 1848, avec le soutien des conservateurs, Louis Napoléon Bonaparte nomme Alfred de Falloux à la tête du ministère de l’instruction publique et des Cultes. Alors que l’éducation est un enjeu majeur dans les débats politiques, le projet porté par Falloux va exacerber les rivalités.

 

La question scolaire entre 1848 et 1850

La IIe République naissante veut s’appuyer sur tous les soutiens possibles, notamment les instituteurs, afin d’assoir son autorité. Carnot les perçoit comme des agents électoraux.

Lorsque les forces conservatrices prennent le pouvoir, elles dénoncent logiquement les instituteurs comme étant des fauteurs de troubles, responsables des désordres politiques et sociaux et veulent imposer un enseignement plus respectueux de l’ordre de la propriété. Le député Charles de Montalembert dénonce le monopole de l’Université comme étant un « communisme intellectuel ».

L’influence prêtée aux instituteurs est certes exagérée mais toujours est-il que de nombreuses personnes dénoncent les « instituteurs rouges » auprès des autorités scolaires et politiques. Le successeur de Falloux, Félix Esquirou de Parieu, qui fait voter la loi du 2 janvier 1850 qui permet aux préfets de déplacer d’office, de suspendre ou de révoquer les instituteurs.

Après avoir retiré le projet de Carnot, Falloux présente son projet de loi le 18 juin 1849. Ayant démissionné le 7 septembre 1849, c’est son successeur, Félix Esquirou de Parieu, qui fait voter la loi le 15 mars 1850 après de âpres débats.

Le Grelot, Madre, Paris, 14 avril 1878 - source : Gallica-BnF

La loi Falloux

Elle organise d’abord le cadre administratif, consacrant la liberté de l’enseignement par la suspension du monopole de l’Université, comme le relate Le Constitutionnel du 20 janvier 1850 : 

« M. le ministre de l’instruction publique quoique arrivé trop tard dans le débat, en a traité avec fermeté les points fondamentaux ; il a également répondu à ceux qui accusent l’Université de tout prendre, et à ceux qui l’accusent de ne rien garder. En faisant des réserves sur le détail des articles, M. de Parieu, au nom du gouvernement, a donné son adhésion au principe de la loi. M. de Parieu lui a ainsi conquis de nouveaux adhérens.»

 

 

 Une académie est créée dans chaque département avec à sa tête un recteur assisté d’un conseil académique. Les conseils d’académie sont réorganisés afin de donner une large place aux représentants des différents cultes, ce qui place l’école publique sous l’autorité morale de l’Église.

Elle organise aussi le fonctionnement des écoles primaires et secondaires. Les écoles peuvent être gérées par les communes, les départements et l’état (enseignement public) ou gérés par des particuliers ou des congrégations religieuses (enseignement libre). La formation des enseignants est assurée dans des écoles normales établies dans chaque département. Le traitement annuel est fixé à 600 francs, mais l’enseignant ne peut plus exercer d’autre activité. Toute commune de plus de 500 habitants doit ouvrir une école pour garçons. Toute commune de plus de 800 habitants, si elle en a les moyens, doit ouvrir une école de filles.

Elle établit aussi les programmes scolaires avec, pour le primaire, des enseignements obligatoires (lecture, écriture, calcul, éducation morale et religieuse et travaux de couture pour les filles) et des enseignements facultatifs (histoire, sciences naturelles, chant, gymnastique, dessin). La loi replace ainsi la religion au centre de l’école avec l’obligation de faire réciter la prière matin et soir aux élèves et d’apprendre le catéchisme diocésain.

Une école sous la férule de l’Église ?

La loi Falloux est donc le fruit d’un compromis entre Thiers et les ultramontains. Le Journal des débats compare la loi sur l’enseignement à « un traité de paix» : 

« La loi sur l’enseignement a été présentée comme un traité de paix, comme une transaction, un concordat. Nos amis politiques ont loyalement exécuté les conditions du traité ;  ils ont le droit d’en réclamer le prix, non dans un intérêt de parti, mais dans l’intérêt du pays au nom du salut public. »

 

 

 

Au final, le contrôle de l’État sur les écoles libres est réduit au minimum tandis que le clergé participe à tous les comités d’enseignement. Les évêques veillent à l’application de la loi et les jésuites sont autorisés à enseigner de nouveau.

Ses opposants dénoncent une atteinte à l’esprit des Lumières et de 1789 et une politique de réaction cléricale. Le journal La Presse soutient l’idée que « la séparation de l’Église et de l’État est la seule voie par laquelle il soit possible d’arriver à cette liberté d’enseignement si souvent promise ».

Le jour du vote de la loi, le préfet de la Seine, Berger, se prononce contre « la domination cléricale dans l’enseignement ». L’école de village, placée sous la férule du prêtre, est un thème souvent abordé par de nombreux artistes, comme Gustave Doré.

Collection Jaquet, Gustave Doré - source : Gallica-BnF

Alfred de Falloux (1811-1886) 

Journaliste légitimiste et clérical, Alfred de Falloux entame une carrière politique en étant élu député du Maine-et-Loire en 1846. Il accueille favorablement la révolution de février 1848 mais s’oppose aux ateliers nationaux. Réélu député, il est nommé, par Louis-Napoléon Bonaparte, ministre de l’instruction publique et des cultes dans le gouvernement Odilon Barrot. En 1856, il est élu membre de l’Académie française. Opposant au régime impérial, il se retire dans ses terres en Anjou mais continue à intervenir dans la vie politique par le biais de la revue Le Correspondant.

Comte de Falloux. Recueil, 1860 - source : Gallica-BnF