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Poincaré élu président de la République en 1913

le par - modifié le 23/07/2021
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Le 17 janvier 1913, Raymond Poincaré, président du Conseil, est élu président de la République mais sa victoire a mis à mal la cohésion des républicains. 

L’élection présidentielle

La fonction présidentielle sous la IIIe République ne peut se comprendre qu’en prenant en considération l’état d’esprit des auteurs des lois constitutionnelles de 1875. Née d’une volonté de compromis entre républicains et monarchistes, la fonction présidentielle est celle d’un « monarque républicain » pour un mandat de sept ans.

Afin de ne pas réitérer l’élection présidentielle de 1848, le président de la République n’est pas élu au suffrage universel direct mais par les sénateurs et les députés réunis en Assemblée nationale. Environ 900 parlementaires se réunissent dans la salle des séances du château de Versailles, où l’Assemblée nationale a siégé de mars 1871 à décembre 1875.

Versailles, élection présidentielle, Agence Roll, 17 janvier 1913 - source : Gallica-BnF
Versailles, élection présidentielle, Agence Roll, 17 janvier 1913 - source : Gallica-BnF

L’élection est précédée par des intrigues et des transactions entre groupes. Les républicains, des deux chambres, afin d’éviter toute éventuelle victoire de la droite conservatrice, procèdent à un vote indicatif. Ce collège préfère des personnalités consensuelles et peu autoritaires, écartant certains hommes politiques pourtant très actifs comme Clemenceau, qui affirme en 1887 qu’il « vote pour le plus bête ».

Le scrutin préparatoire républicain

Versailles, élection présidentielle, Agence Roll, 17 janvier 1913 - source : Gallica-BnF

Refusant de briguer un second mandat, Armand Fallières laisse ouverte sa succession à la présidence de la république.  Dès la fin de l’année 1912, plusieurs candidats se font connaître. Les premières attaques ne se font pas attendre et Raymond Poincaré doit faire face à l’hostilité de Paul Deschanel, Joseph Caillaux et Georges Clemenceau. Le 16 janvier 1913, selon la tradition républicaine, un scrutin préparatoire réunissant les parlementaires républicains est organisé.  Les modérés (républicains de droite) et les socialistes refusent de participer au scrutin.

Raymond Poincaré (membre du Parti Républicain démocratique) est opposé à Paul Deschanel (également membre du Parti Républicain démocratique), président de la Chambre, Antonin Dubost, président du Sénat, et  Jules Pams, ministre de l’Agriculture. Fort du soutien des radicaux, Jules Pams (radical-socialiste) emporte, au troisième tour, l’élection avec 323 voix contre 309 voix pour Raymond Poincaré, devenant donc le candidat des parlementaires républicains.

L’élection du 17 janvier 1913

Rompant avec la tradition, Raymond Poincaré refuse de respecter le résultat du scrutin préparatoire et se présente tout de même, provoquant une scission au sein des républicains. Lors du premier tour, Raymond Poincaré, soutenu par les parlementaires de la droite, obtient 429 voix ; Jules Pams, candidat radical, 327 voix ; Édouard Vaillant, candidat de la SFIO, 63 voix ; et 48 voix se sont portées sur divers candidats. Au second tour, Raymond Poincaré réussit à attirer les scrutins des indécis mais aussi d’une partie des républicains, obtenant 483 voix alors que Jules Pams en obtient 296 et Édouard Vaillant 69.

La transmission des pouvoirs : groupe à l'Hôtel de ville, de gauche à droite : Dubost, Fallières, Poincaré, Deschanel, derrière : Loubet, Briand, Mourmelat, Agence Meurisse, 1913 - source : Gallica-BnF

Raymond Poincaré devient ainsi le dixième président de la République, mais son non-respect de la discipline républicaine est une nouveauté. Elle lui vaudra d’ailleurs la rancune de Clemenceau qui se soumettra, quant à lui, à la décision du scrutin préparatoire de 1920.

Cet évènement amène les différents journaux à affermir leur position politique. L’Action française, journal nationaliste et antirépublicain, semble se satisfaire de l’élection de Poincaré, homme politique aux « idées conservatrices et “réactionnaires” » et qui bénéficie du dégoût qu’inspire le parti républicain au peuple de Paris. Charles Maurras assure qu’il « fallait voter Poincaré sans retard ni condition » afin d’éviter une présidence Pams. L’Aurore, journal républicain de Clemenceau, reconnaît la victoire de Poincaré et annonce s’incliner « devant la volonté souveraine de l’Assemblée nationale » malgré la rupture causée par le non-respect du vote préparatoire.

 

Le journal catholique La Croix se montre très critique, comparant la République à « la Belle au Bois dormant » et regrettant de voir le sort du pays entre les mains des parlementaires. Dans un récit très circonstancié de la journée de l’élection, le journaliste se moque des tractations des républicains.

Jean Jaurès profite de son journal, L’Humanité, pour s’attaquer au parti radical et à Clemenceau. En mettant en exergue les divisions apparues au sein des républicains, Jean Jaurès en profite pour montrer la force des socialistes qui sont « une minorité mais fort[s] de [leur] union ». Il annonce également que les socialistes ont toute la liberté possible vis-à-vis de Poincaré, incarnation de la « force du conservatisme ».

Favorable à Raymond Poincaré, Le Petit Parisien dresse un portrait élogieux du nouveau président qui incarne « progrès démocratique, évolution raisonnée, consolidation du régime républicain, politique d’honneur et de paix ». Ce résultat est salué comme étant celui qui était attendu par le pays.

Raymond Poincaré (1860-1934)

Avocat à  Bar-le-Duc, Raymond Poincaré s’engage dans la vie politique en siégeant à la Chambre des députés puis au Sénat au début de la IIIe République. En janvier 1912, il devient président du Conseil, succédant à Joseph Caillaux. Nationaliste ardent surnommé Poincaré-la-guerre, il veut préparer la France pour la revanche contre l’Allemagne. En janvier 1913, il est élu président de la République. Son mandat est marqué par la Première Guerre mondiale. En 1920, il est élu sénateur de la Meuse. Il redevient deux fois président du Conseil, de 1922 à 1924 puis de 1926 à 1929.

Poincaré, Agence Meurisse, 1913 - source : Gallica-BnF