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Théodore Monod au Sahara en 1936

le par - modifié le 05/08/2020
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Mû par une curiosité dévorante, Théodore Monod n'a cessé d'arpenter le désert, à la recherche de la vie, de son histoire, des hommes, des fossiles et autres météorites. Ses aujourd'hui célèbres méharées ont commencé dans les années 30 sous l'égide du Muséum national d'histoire naturelle de Paris.

Une première expédition d’envergure dès 1934

L’Intransigeant du 10 mars 1934 consacre quelques lignes sur les grandes missions du Muséum. « Les dernières missions ont surtout exploré le Sahara dans le sens des méridiens : de la Méditerranée vers Tombouctou par le Tanezrouft, vers Gao, par l’Adrar des Iforas ou le Hoggar, vers le Tchad par le Tassili des Aszjer et l’Aïr ». C’est pourquoi le Muséum « a eu l’idée d’envoyer M. Monod en mission à travers le Sahara Occidental ».

L'Afrique à l'échelle de 1:2 000 000, région de Gao, 1899-1900 - source : Gallica-BnF
L'Afrique à l'échelle de 1:2 000 000, région de Gao, 1899-1900 - source : Gallica-BnF

Il s’embarquera « pour l’Adrar, le massif gréseux mauritanien, où il essaiera de retrouver le fameux météorite gigantesque dont un méhariste signala l’existence en 1916 ». Les études de Théodore Monod doivent aussi porter « sur les ruines des cités d’Aoudagoucht et Khana, dont les géographes arabes nous ont laissé la tradition de villes autrefois prospères ». Il a aussi pour projet de se documenter sur « la faune et la flore, témoins vivants ou fossiles de l’asséchement progressif d’une région, jadis arrosée peut-être même maritime ».

Théodore Monod (1902-2000)

 

Issu d'une lignée de pasteurs protestants, il fait ses études à l'École alsacienne à Paris, s'intéresse très tôt aux sciences de la nature et devient à 20 ans assistant stagiaire au Muséum national d'histoire naturelle. En 1922, il part pour une mission d'étude océanographique sur les côtes de Mauritanie. Il découvre alors ce qui deviendra sa passion : le désert, le Sahara qu'il ne cessera d'arpenter. Durant la guerre, il s'oppose vigoureusement au nazisme et à Vichy. Humaniste et pacifiste, chrétien convaincu, il s'oppose également à la guerre d'Algérie, à l'arme nucléaire, à la chasse... Il consacra ainsi toute sa vie à ses engagements.

Théodore Monod - source : Wikimedia Commons

Une nouvelle mission pour le Muséum en 1936

Le Temps du 7 avril 1936 annonce le 6 avril 1936 le débarquement à Marseille de Théodore Monod « assistant au Muséum, qui vient d’accomplir une nouvelle mission scientifique au Sahara occidental, au cours de laquelle il s’est principalement consacré à des recherches de géologie et de préhistoire »

La salle de paléontologie au Muséum, 1919 - source : Gallica-BnF
La salle de paléontologie au Muséum, 1919 - source : Gallica-BnF

Le Temps, toujours, rapporte le 9 juin 1936 des éléments concernant la réunion de l’Académie des sciences coloniales. À cette occasion Théodore Monod 

« rend compte des deux missions de recherches scientifiques au Sahara occidental (1934 et 1936) dont il avait été chargé par le Muséum et le ministère de l’éducation nationale, avec l’appui de l’Académie des sciences de l’Institut d’ethnologie, de l’Association française pour l’avancement des sciences, du gouvernement général de l’Afrique-Occidentale française et de la direction des territoires du Sud. En terminant, M. Th. Monod insiste sur l’extrême intérêt qui s’attacherait à la fondation d’un institut d’études sahariennes, dont le projet a été présenté par l’académie depuis plusieurs années, destiné à faciliter et à intensifier les recherches scientifiques au Sahara. »

La salle de minéralogie au Muséum, 1919 - source : Gallica-BnF
La salle de minéralogie au Muséum, 1919 - source : Gallica-BnF

Publications et reconnaissance publique

En 1937, Théodore Monod publie Méharées, qui deviendra le plus célèbre de ses livres. Il publie également des études scientifiques. Ainsi il consacre dans le Bulletin du Comité de l’Afrique Française et du Comité du Maroc huit pages aux gravures et inscriptions préhistoriques du Sahara.

Dessins rupestres au col de Zenaga au Maroc, Capitaine Ducloux - source : Gallica-BnF
Dessins rupestres au col de Zenaga au Maroc, Capitaine Ducloux - source : Gallica-BnF

L’Écho de Paris du 16 janvier 1937 y relève « des conseils pratiques pour la recherche et l’étude de ces importants témoins d’une civilisation pré-arabe disparue aujourd’hui », et indique que le texte « contient d’excellents tableaux de synthèse, ainsi que la bibliographie complète du sujet ». Cependant dans les années 30, Monod reste méconnu du grand public.

D’ailleurs le Paris Soir du 11 juin 1938 lui dédie un volet de sa rubrique « Les grands Français inconnus », et l’intitule, de manière révélatrice, « Monod le fou, descendant de Saint-Louis, ermite du désert, fait l’inventaire du Sahara ». Ce n’est qu’à 87 ans en 1989, avec un film de télévision réalisé par Karel Prokop (Le vieil homme et le désert), qu’il deviendra médiatique…

Bibliographie

 

Théodore Monod, Méharées - Exploration au vrai Sahara, Paris, Actes Sud (Babel), 1989 [1937].


Jean-Claude Hureau et Didier Escudier, Théodore Monod : 90 ans de publications, Paris, Publications scientifiques du Muséum d’histoire naturelle, 2005.