Chronique

L'attentat à la dynamite contre le sultan ottoman

le 08/11/2019 par Fabrice Monnier
le 11/10/2017 par Fabrice Monnier - modifié le 08/11/2019
Abdülhamid II, Le Petit Journal du 21 février 1897 ; source RetroNews BnF

Le 21 juillet 1905, le sultan Abdulhamid II est victime d'un attentat à la bombe. Il en réchappe, mais il faut rapidement désigner un coupable... L'historien Fabrice Monnier, qui consacre ses recherches à la « question d’Orient », nous raconte les événements.

Au début du XXe siècle, la réputation internationale du sultan ottoman Abdülhamid II, monté sur le trône en 1876, est exécrable, en raison notamment des massacres de populations arméniennes qui ensanglantent son empire. Extrêmement prudent, il ne sort qu’une fois par semaine de son palais. C’est seulement à cette occasion que les ennemis de « l’ombre de Dieu sur terre » peuvent espérer l’atteindre.

Chaque vendredi, sous bonne escorte, Abdülhamid II se rend en calèche à la mosquée Hamidiyé, toute proche de la grande porte de sa demeure mi-palais, mi-forteresse de Yιldιz située sur une hauteur de Constantinople (Istanbul)… La prière est suivie du selâmlık, cérémonie au cours de laquelle il reçoit l’hommage des hauts dignitaires présents à Constantinople. Ce moment est de la plus haute importance : c’est la manifestation de la présence réelle, physique, du sultan-calife à la tête de la communauté des Croyants. Cette preuve est politiquement si nécessaire que, lorsqu’Abdülhamid est indisposé, on prétend qu’un sosie, bien stylé, le remplace pour éviter toute panique.

Le jour du selâmlık, toutes les artères qui donnent accès au chemin suivi par le sultan sont fermées par des piquets en armes. En sus, une double haie de soldats est échelonnée jusqu’à la mosquée Hamidiyé. La calèche découverte du sultan sort du palais entouré d’une nuée de généraux, de chambellans, d’eunuques. À son passage, les soldats hurlent « vive notre padichah ! (empereur) » et les spectateurs s’inclinent respectueusement. Lorsque le sultan franchit le seuil de la mosquée, un sous-officier prononce la formule traditionnelle : « Padichah ne t’enorgueillis pas et rappelle-toi qu’il y a un Dieu plus grand que toi ! ».

Au terme de la cérémonie, le souverain s’entretient brièvement avec de hauts dignitaires, des ambassadeurs et parfois des personnalités étrangères de passage, puis s’en retourne dans son palais, en général en employant un Phaéton, véhicule plus petit que la Victoria dans laquelle il est arrivé. Le souverain en prend parfois lui-même les rênes. C’est serré de près par une grappe de généraux et d’aides de camp, dégoulinants de sueur, qui courent à ses côtés, qu’il gravit la colline de Yιldιz.

Le jour de l'attentat

Le vendredi 21 juillet 1905, à l’issue du traditionnel selâmlık, Abdülhamid II échappe de peu à la mort. Une machine infernale dissimulée dans une calèche explose au moment où il sort de la mosquée Hamidiyé pour regagner son palais. La machine devait contenir 15 kilogrammes de dynamite avec des balles et de la ferraille. La détonation fut terrifiante. On l’entendit à une distance de 10 kilomètres. Elle fit un trou dans le sol de 50 centimètres de profondeur et d’un mètre de diamètre. Elle tua 23 personnes (principalement des soldats et palefreniers), en blessa 57, tua 50 chevaux, brisa 30 voitures et toutes les vitres du pavillon des ambassadeurs et du corps de garde. Près de la terrasse des étrangers, elle fendit la tour de l’hor...

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