Chronique

Le grand feuilleton de l'exploration polaire

le 06/05/2020 par Pierre Ancery
le 11/07/2018 par Pierre Ancery - modifié le 06/05/2020

Fin 19e et début 20e, le grand public s'est passionné pour le récit de la conquête des pôles. Une aventure humaine, scientifique et sportive longue d'un quart de siècle, dont les héros furent largement célébrés par la presse.

Fin du 19e siècle. Toute la Terre a été explorée. Toute ? Non ! Les pôles Nord et Sud n'ont encore jamais été atteints par l'homme. Que peut-il bien y avoir là-bas ? Les écrivains, depuis longtemps, ont imaginé les mystères que recelaient ces contrées encore inviolées : Edgar Allan Poe plaça au pôle Sud le final terrifiant de ses Aventures d'Arthur Gordon Pym (1838) et Jules Verne le fit visiter à ses personnages dans Vingt mille lieues sous les mers (1870).

 

L'exploration de ces terra incognita constitue le dernier grand défi géographique mondial. Quelques hommes courageux vont tenter de le relever, souvent au péril de leur vie. Amundsen, Shackleton, Charcot, Scott : certains deviennent des célébrités mondialement connues, voire de véritables héros nationaux.

 

Car le récit de leurs odyssées, abondamment relayées par la presse, fascinent les foules (au même titre qu'aujourd'hui, les expéditions spatiales vers Mars !). Et elles suscitent d'autant plus d'intérêt qu'il faut souvent attendre plusieurs mois avant d'avoir des nouvelles de ces aventuriers dont on ne sait jamais vraiment s'ils reviendront vivants... La lecture de leurs exploits – parfois commentés comme de véritables matchs sportifs par les journalistes – s'apparente donc à celle de feuilletons à suspense.

 

 

Les premières grandes expéditions vers le pôle Sud

 

Côté Antarctique, c'est le 6e congrès international de géographie de 1895 qui donne une nouvelle impulsion aux explorations de la région entourant le pôle Sud. Si les quatre expéditions anglaise, allemande, suédoise et écossaise de 1901 sont de véritables réussites scientifiques, en France, ce sont les deux expéditions menées par Jean-Baptiste Charcot (1903-1905 et 1908-1910) qui font le plus parler d'elles. La première, à bord du Français, est un vrai succès : Charcot ramène de préciseuses informations météorologiques, hydrologiques et zoologiques. Ce qui occasionne de multiples commentaires dans la presse, tel celui du Matin du 7 juin sur la consommation de pingouins par l'équipage...

 

"Ah les œufs de pingouin, quelles omelettes on en faisait, le matin, et quels flans le soir ! Et puis, le pingouin est enchanté qu'on le fasse sauter au beurre. Il paraît qu'il n'est point habitué à ce qu'on le tue, aussi se laisse-t-il faire avec une douceur exquise. [...] D'aucuns trouvaient la sensation si agréable qu'ils mouraient en chantonnant."

 

La seconde expédition Charcot se passe moins bien : le bateau subit des avaries...

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