Chronique

Le grand prix Beaumarchais de littérature publicitaire

le 08/11/2019 par Myriam Boucharenc
le 23/03/2017 par Myriam Boucharenc - modifié le 08/11/2019
Une du Siècle du 22 juillet 1927

En 1927, plusieurs marques s'associent pour créer un "prix de littérature publicitaire", avec 35000 francs à la clé. Aussitôt, journalistes et écrivains s'interrogent : peut-on mélanger littérature et publicité ? Myriam Boucharenc, spécialiste de littérature française du XXe siècle, nous raconte l'histoire de cette controverse.

À l’heure où les difficultés de l’existence se font sentir pour l’intellectuel plus que pour tout autre, n’y a-t-il pas dans la littérature le moyen d’y pallier ? Il est une force exploitée à l’étranger et dédaignée, même méprisée en France : la publicité.

Ainsi s’exprime Louis Brun, directeur des puissantes éditions Grasset, dans l’éditorial de Paris-Soir du 28 janvier 1927 destiné à annoncer le prix Beaumarchais de littérature publicitaire que vient de fonder l’agence L’Encartage, spécialisée dans la réalisation de supports publicitaires insérés dans les livres, en collaboration avec La Revue de la femme (Le Siècle, 11 mars 1927). Une dizaine de marques prestigieuses s’étant associées à cette initiative sans précédent, le prix se voit doté de la coquette somme de 35 000 francs.

Dès le 5 février la presse parisienne s’empare de la nouvelle. Dans Le Rappel, cette dernière voisine avec l’annonce, non moins surprenante, du prochain roman d’un certain Sim (Simenon) qui sera écrit dans une cage de verre sous les yeux du public ! Décidément, commente Le Temps du 15 février, « Voici que des mains fortunées autant qu’habiles [tendent] un rameau d’or aux poètes et aux romanciers ». Le 22 février 1927 commence, à l’instigation de Paul Reboux, la publication quotidienne dans Paris-Soir, dont il est alors le directeur, de la grande enquête « Industrie, Commerce et Littérature ».

« Estimez-vous qu’un écrivain s’amoindrit en signant de son nom un texte de publicité ? », est-il demandé aux gens de lettres ; et à ceux du commerce : « Ne seriez-vous pas disposé à accueillir pour la propagande commerciale la collaboration d’écrivains ? ». Quelques jours plus tard, c’est dans l’hebdomadaire Chantecler du 26 février que face à Fernand Divoire prétendant que « l’Art s’abaisse s’il devient un boniment », Blaise Cendrars développe sous le titre « Publicité = Poésie », son vibrant hommage à la publicité, cette « fleur de la vie contemporaine », la 7e merveille du monde moderne.

 

Tous les écrivains sans exception peuvent prendre part à la « compétition ». Les concurrents devront consacrer à la gloire de l’une des maisons subventionnaires de leur choix (Le Siècle, 23 mars 1927) :

"1e un texte à la fois littéraire et publicitaire de 150 lignes, sérieux ou humoristique ; 2e un écho d’information de dix lignes ; 3e une brève formule dans le genre de : « Oui, mais Ribby habi...

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