Extrait du journal

déménagé, elle devait, de ce fait, quitter son logis. La malheureuse affolée demanda un jour de sursis quelle obtint, se rendit au lavoir et rentra chez elle. Ce matin, la laitière monta comme tous les jours, mais malgré ses appels réitérés ne recevant pas de réponse, elle se mit à heur ter la porte avec violence. Celle-ci s’ouvrit enfin, et la petite Ger maine. pâle, chancelante, apparut, se disant très malade. La laitière entra et se trouva en présence d’un spectacle indescriptible. La grand mère gisait au milieu de la pièce, entre deux rechauds ; la mère, ren versée sur le lit, en chemise, ne donnait plus signe de vie, tenant entre ses bras le petit Raymond, qui ne respirait plus ; le deuxième petit garçon, étendu dans un coin, gisait également inanimé. La laitière prévint la concierge qui, ellemême, alla chercher un médecin. Ce der nier s empressa auprès de la grand’mère, qui fut rappelée à la vie, et l’envoya avec la petite Germaine à l’hôpital Lariboisière. Quant à la mère et aux deux garçons, il était trop tard. Tout fut inutile : ils étaient morts. La malheureuse avait laissé sur un meu ble trois lettres dans lesquelles, en termes navrants, elle raconte sa triste histoire de fille-mère délaissée et explique pourquoi elle n’a pas voulu laisser survivre les siens dans les affres de la misère. Dans une de ces lettres se trouvait une pièce de cinq francs, la dernière, destinée à payer un reliquat de compte avec une per sonne qu’elle indique. Ce drame de la misère a causé dans le quartier une vive émotion qui n’est pas en core calmée à cette heure....