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Le Siècle, 21 mai 1849

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Le Siècle
21 mai 1849


Extrait du journal

Le triomphe partiel des candidats socialistes. inspire à de prétendus amis de l'ordre des idées et un langage contre lesquels tous les hommes sage s ne sauraient trop se pré munir. Si l'on en croyait ces sinistres conservateurs, la société, frappée au cœur, lutterait en vain contre sa ruine. Tout est perdu, disent-ils, depuis qu'on a laissé les vieux principes de gouvernement; désormais il n'y a plus pour mener le inonde qu'un seul procédé, la force, qu'un seul élément d'ordre parmi le peuple, la crainte. Nous marchons fatalement vers un abîme - dont rien ne peut nous préserver, sinon le despotisme. Le suf frage universel a été expérimenté; il est jugé : il n'en peut sor tir que des violences ou des folies ; hâtons-nous de retirer au peuple l'exercice funeste de sa souveraineté, et comme la raison ne le persuaderait pas, il faut le contraindre : un coup d'Etat peut seul sauver la France. — Tel est le langage que font enten dre en ce moment beaucoup d'hommes réputés sages; nous af faiblissons plutôt que nous n'exagérons leurs paroles. Nous te nons ce langage pour tout ce qu'il y a au monde de plus dange reux et de plus insensé. Nous n'examinerons pas quelle influence exerce sur cette ap préciation des malheurs publics le désappointement de quel- ; ques ambitions particulières, le froissement de certains orgueils, et quelques impatiences de vieillards qui n'ont pas le temps d'attendre. Nous ne recherchons pas, si le mal dont on se plaint n'aurait pas pu en grande partie être conjuré, et si il n'est pas principalement l'œuvre des hommes qui dans ce moment le déclarent incurable et mortel. Certes il bous serait facile de récriminer sur ce point. Nous n'aurions pas beaucoup de peine à démontrer que si le suffrage univer sel était entre les mains du peuple une arme périlleuse, qu'il ne peut manier sans se blesser lui-même, la faute en serait surtout à ceux qui, pendant trente ans, maîtres des destinées politiques de la France, se sont obstinément refu sés à toute extension du droit électoral. De telle sorte que la re présentation nationale est passée tout à coup, sans transition, sans préparation, de 250,000 électeurs privilégiés à 10 millions de citoyens. Quand on s'étonne que cette liberté soudaine, illi mitée fasse des fautes, ne faudrait-il pas plutôt être surpris...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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