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Le Temps, 4 janvier 1905

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Le Temps
4 janvier 1905


Extrait du journal

d’oublier feu l’amoureux, qui était un imbécile ou un fou.,, comme tous les amoureux. Débitée sur un ton d’émotion légère et dis crète, cette petite harangue trouva tout de suite le chemin du cœur de Sabine. Elle était restée debout devant son oncle, sans songer à lui of frir un siège. D’un mouvement gracieux et prompt, elle lui présenta son front et, lui. pre nant les mains, le fit asseoir à côté d’elle sur un canapé. —Vous venez de me causer une vraie joie, oncle Maxence, en rendant à mon affection un parent que j’aimais bien... Je n’en ai pas tant à aimer ! — Vous n’en avez que faire, des parents I... On aime la famille quand on n’a plus personne d’autre à aimer, ou que les autres affections vous ont meurtri, blessé... La famille, qu’est-ce? Les invalides des cœurs sensibles. — Quelquefois aussi l’hôpital, dit la jeune femme avec un sourire un peu triste. On vient s’y faire soigner, fortifier, guérir... — Ou disséquer, interrompit l’oncle. Caries parents ne sont pas discrets... Ainsi, moi, je ne peux me tenir de vous demander si votre mauvaisemine et vos allusions à l’utilité des hôpi taux n’ont pas des causes prochaines, une ori gine toute récente... . — Oui et non. Aucun malheur ne m’est arrivé, mais je sens planer quelque catastrophe dans l’air. Jè respire mal, comme dans une atmos phère d’orage... — Querelles de ménage? interrogea l’oncle. —Querelles ? Non. Je n’en veux pas... Je n’y voudrai jamais descendre. Mais irritabilité très grande et inexpliquée chez mon mari... — Tu’te fâches : donc, tu as tort, dit le pro verbe... qui est surtout vrai dans les ménages. — Eh bien I franchement, c’est l’idée qui me vient... Et voilà pourquoi j’ai mauvaise mine et quelques élancements au cœur.! — Ce n’est guère raisonnable, puisque vous n’avez aucun grief précis à formuler. — Oh I je le reconnais bien volontiers... Mais .je ne puis croire que l’on change si vite, et si complètement, sans une cause profonde, et que l’on se montre nerveux, injuste envers une fem me que l’on vient d’épouser, si l’on n’a pas déjà quelque tort envers elle,.. Ce tort de mon mari, est-ce tout simplement de m’avoir épousée sans m’aimer... ou sans m’aimer assez pôur m’ai mer longtemps ? Est-ce d’aimer une autre femme?... *...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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