Écho de presse

Les Jeunesses hitlériennes vues par la presse

le 07/07/2018 par Pierre Ancery
le 10/11/2017 par Pierre Ancery - modifié le 07/07/2018
Un camp des Jeunesses hitlériennes, près de Magdeburg dans Paris-Soir, 31 juillet 1935 – source : BnF-RetroNews

Après 1933, l'organisation devient le lieu privilégié d'endoctrinement de la jeunesse allemande. La presse française observe, souvent avec inquiétude, sa montée en puissance.

Après l'accession au pouvoir de Hitler en 1933, la presse française commence à s'intéresser de près au mouvement de jeunesse du parti nazi : les Jeunesses hitlériennes. Fondées en 1926, celles-ci visent dès le départ à endoctriner les jeunes Allemands, avec comme objectif de faire d'eux de futurs « surhommes » fidèles aux idées national-socialistes et prêts à se battre et à mourir pour leur chef.

 

En septembre 1934, Le Temps relate comment, au congrès de Nuremberg, rassemblement annuel du NSDAP, « 60 000 membres des jeunesses hitlériennes [ont exprimé] leur fidélité au Führer ». Le journal raconte la prise de parole d'Hitler devant la foule d'adolescents galvanisés :

 

« Dans ce monde, s’écrie M. Hitler, rien n’est donné. Tout doit être conquis de haute lutte. Nous ne voulons plus voir des classes, nous voulons que ce peuple soit fidèle, obéissant, qu’il aime la paix, mais qu’il soit en même temps courageux et c’est pourquoi vous, les jeunes, devez apprendre à être fidèles, obéissants ; vous devez, aimer la paix tout en étant courageux.

Longs applaudissements et roulements de tambour. Le Führer invite les jeunes gens à s’aguerrir en vue de la lutte pour la vie. »

 

En 1933, les Jeunesses hitlériennes, qui ont absorbé les autres organisations de jeunesse, comptaient 2,25 millions de membres âgés de 10 à 18 ans. Leur nombre ira croissant dans les années suivantes. En avril 1935, Le Matin (qui sera collaborationniste pendant la guerre) leur consacre un article bienveillant écrit par un correspondant du journal en Allemagne.

 

« L'instruction théorique est basée sur des questions jouant un rôle important dans l'idéologie nationale-socialiste : lutte contre le marxisme et contre les partis en général, nécessité de travailler pour l'union du peuple, lutte contre le traité de Versailles, importance de travailler pour la pureté de la race aryenne, etc., etc. À côté de cette instruction théorique il y a des cours de gymnastique, des exercices en campagne, l'enseignement du tir à petit calibre, la topographie, etc. Les jeunes garçons et les jeunes filles ne sont pas élevés en commun, mais ils doivent être élevés dans un même esprit héroïque. »

 

En mai 1935, c'est L’Écho de Paris qui, dans un article alarmiste intitulé « L'effrayante jeunesse », rencontre Baldur von Schirach, le jeune chef des Jeunesses hitlériennes (il a 28 ans). Ce dernier ment sur les objectifs de l'organisation :

 

« À la différence de beaucoup d'autres pays, dit-il, l'Allemagne n'élève pas sa jeunesse dans la pratique des armes de guerre. Les exercices de tir réduit qui ont lieu dans quelques écoles de chefs ont uniquement un caractère sportif. La Jeunesse hitlérienne cherche seulement à donner aux jeunes gens une bonne culture sportive générale. »

 

Il ajoute :

 

« Par contre, la Jeunesse hitlérienne cherche avant tout à développer ce sentiment éminemment militaire qu'est la camaraderie. Comme dans les camps de travail, on veut abattre les cloisons qui séparent les classes sociales. On mêle dans les mêmes rangs les fils du prolétariat et ceux de la bourgeoisie. On réserve les faveurs et l'exercice de l'autorité uniquement à la force physique et au mérite. Toute l'inspiration sociale du national-socialisme se retrouve dans la Hitlerjugend. »

 

En effet, lors des stages en plein air mis en place par le régime, les adolescents les plus faibles étaient humiliés et l'usage de la force brutale encouragé. Quant au maniement des armes, il était enseigné en vue de transformer les jeunes Allemands en soldats.

 

Un an plus tôt, Les Cahiers des droits de l'homme, bulletin de la Ligue des droits de l'homme, écrivaient déjà, dans un long article par ailleurs optimiste sur la volonté de l'Allemagne nazie de préserver la paix en Europe :

 

« Il est difficile de trouver des termes exprimant assez fortement la complète absence d’esprit critique avec laquelle sont reprises et développées par les jeunes hitlériens les théories d’un Gobineau sur l’inégalité des races humaines pour en déduire la supériorité de la race aryenne [...]. Les théories raciales ont d’autant plus de prise que le niveau intellectuel des jeunes hitlériens – même universitaires – n’est généralement pas très élevé. »

 

Les Jeunesses hitlériennes deviendront obligatoires en 1939. À partir de 1943, elles serviront de réservoir à soldats pour pallier les pertes d'hommes au front – jusqu'à la bataille de Berlin, en 1945, au cours de laquelle des adolescents de 15 ans ou moins, souvent fanatisés, seront envoyés au combat.