Écho de presse

Maria Deraismes, féministe, journaliste et franc-maçonne

le 01/03/2019 par Marina Bellot
le 26/09/2017 par Marina Bellot - modifié le 01/03/2019
Photo de Maria Deraimes datée de 1894, un an avant son décès - source WikiCommons

Engagée politiquement et sujette à toutes les controverses, Maria Deraismes est aussi la première Française à avoir créé un Ordre franc-maçon mixte en 1893.

Féministe engagée, oratrice de génie, première femme à avoir été initiée à la franc-maçonnerie, Maria Deraismes (1828-1894) est l'une des grandes figures de son époque.

Née dans une famille bourgeoise aisée et libérale, elle accumule les connaissances dans de nombreux domaines – religieux, philosophiques, scientifiques...

Idéaliste et libertaire, elle croit dans les valeurs transmises par les Lumières. Redoutable oratrice, elle multiplie les conférences et promeut inlassablement l’émancipation politique et civile de la femme. Reconnue de son vivant, elle ne s'attire pas moins l'ironie voire l'hostilité des conservateurs de son temps.

La lecture du compte-rendu de l'une de ses conférences dans La Presse, en 1869, en donne un éloquent aperçu :

« [...] Cette dame traite un sujet d'homme, politique et social : "la Parole libre". [...]

Faut-il suivre jusqu'au bout la conférence de Mlle Maria Deraismes, qui a incliné, usant sans crainte de la parole libre, à réclamer le droit des femmes et leur égalité absolue avec notre sexe ? Est-ce coquetterie, est-ce conviction ? C'est en tout cas, une thèse agréable et qui a beaucoup souri à l'assistance des dames. L'orateur a fait un vif reproche aux députés de n'avoir pas eu le courage de poser la question de la femme au Corps législatif. Elle accuse la timidité des députés. Qui sait si ce n'est aussi un fond de bon sens qui les a retenus ?

La politique, d'après Mlle Maria Deraismes, appartient à l'ordre général des idées, et la femme y a droit. Elle soutient qu'en réduisant la femme à son rôle secondaire, on lui a retiré toute dignité ; qu'on a voulu neutraliser une force et que cette force a été pervertie. C'est l'infériorité de l'existence des femmes qui est cause de l'immoralité de celles qui vivent en s'abandonnant. [...] Quitte à lui déplaire, je dirai qu'on a été heureux aussi d'entrevoir dans son discours des idées et des expressions délicates qui accusent son sexe. »

En 1882, Maria Deraismes fait scandale : elle est la première femme dans l'histoire à être initiée selon les règles à la franc-maçonnerie, dans la loge « Les Libres Penseurs ». Le discours qu'elle prononce après son initiation (retranscrit plus tard dans Gil Blas) est virulent :

« À quel titre la franc-maçonnerie nous a-t-elle éliminées jusqu'à présent ? Détient-elle le monopole des vérités supérieures accessibles seulement aux intelligences d'élite ? Non ! Traite-t-elle des questions abstraites, transcendantes, exigeant au préalable des études préparatoires ? Non ! »

C'est un coup de tonnerre chez les francs-maçons. La loge des Libres Penseurs ne tarde pas à être rayée de la fédération. C'est pourquoi Maria Deraismes, rejetée par les obédiences masculines, crée en 1893 l’Ordre maçonnique mixte et international « le Droit Humain » — un acte fondateur qui fera évoluer la franc-maçonnerie à jamais. Elle n'aura le temps d'en voir que les prémices puisqu'elle meurt un an plus tard.

En 1895, c'est une autre féministe de la première heure, elle aussi franc-maçonne, Louise Barberousse, qui rend hommage à son œuvre (ici citée dans Le XIXe siècle) :

« La franc-maçonnerie nouvelle a pour origine Maria Deraismes, et pour réalisation première la grande loge symbolique écossaise, le Droit humain, loge mixte, où l'homme et la femme travaillent en commun à l'amélioration du sort de tous.

 Il y a deux ans que nous existons et, déjà, nous comptons près de cent membres ; et, fait significatif, beaucoup d'anciens francs-maçons se font affilier à notre loge, tandis que nos initiés, trouvant chez nous une philosophie plus haute, des idées plus en rapport avec leur conscience, qui leur fait voir une égale dans la femme, sont satisfaits d'appartenir à notre obédience seulement.

Et nous travaillons : paisiblement, sans remarquer aucun de ces inconvénients que nos adversaires voulaient trouver à ce rapprochement d'hommes et de femmes réunis pour traiter de choses sérieuses ; [...] Ce sera la gloire immortelle de Maria Deraismes d'avoir réuni dans une communion intellectuelle l'homme et la femme que le prêtre avait essayé de séparer à jamais. »

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