Écho de presse

Tamborini, terroriste fasciste en France

le 09/11/2020 par Julien Morel
le 25/09/2017 par Julien Morel - modifié le 09/11/2020
Angelo Luigi Tamborini, terroriste italien - source : RetroNews-BnF

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’anarchiste italien Angelo Luigi Tamborini est soupçonné d’être l’auteur de plusieurs attentats en France. L’instruction montre qu’il est un agent de l’Italie fasciste.

Septembre 1937, quelques jours après les attentats parisiens de la place de l’Étoile – d’abord imputés aux communistes mais organisés par le groupuscule d’extrême droite français La Cagoule –, le terroriste italien Angelo Luigi Tamborini est arrêté sur le sol français, à Pamiers dans l’Ariège. En plus d’avoir de fortes suspicions quant à son implication dans les attentats parisiens, on lui attribut également les attentats de Toussus-le-Noble, de Marseille et de Villeneuve-sur-Lot, perpétrés quelque temps plus tôt. Vite, les autorités françaises s'aperçoivent des liens multiples entre l’inculpé et la faction terroriste réactionnaire, mais surtout, avec les hautes sphères du régime fasciste italien.

Individu double, mystérieux et voyageur, Tamborini a débuté sa carrière de terroriste avec les anarchistes d’Italie, avant de basculer à droite et de se retrouver en Catalogne, en compagnie des nationalistes espagnols. Au cours de la Guerre d’Espagne, il aide les franquistes à fomenter plusieurs attentats en Catalogne et à recruter, sous la coupe du chef de l’espionnage phalangiste Marcet y Vidal, de nouveaux soldats. Il est également chargé de transporter des armes de guerre depuis l’Allemagne nazie et l’Italie mussolinienne jusqu’à la Catalogne.

À la suite d’une longue enquête, les forces de police françaises retrouvent la piste de Tamborini dans le sud de la France ; celui-ci reconnaît d’abord entretenir des liens avec plusieurs agents de l’extrême droite française, dont « Pierre B », Croix de Feu domicilié à Perpignan. Mais rapidement, il avoue aussi être un agent de l’État italien.

Au cours d'un interrogatoire, « il reconnaît appartenir à une organisation d'espionnage et de terrorisme créée et financée en majeure partie par le gouvernement italien et assurée du concours d'agents consulaires italiens. »

Le journal de gauche Le Populaire relate, au moment de l’instruction :

« Il résulte qu’il existe en France une organisation d'espionnage et de terrorisme comprenant :

I – Un service de contrôle sur les ressortissants italiens résidant en France, contrôle exercé par des membres de l'O.V.R.A. (Opère Vigilianzia repressionne antifascista), dont le chef est Pietro Felice, 10, via Urtina, à Rome. Ce service de contrôle est sous la dépendance directe du Duce.

II – Un service de renseignements politiques dont Tamborini était un des principaux chefs en France. Les agents de ce service sont rétribués par le moyen de chèques transmis de Suisse par le « Crédit Suisse ».

III – Un “Service d’attentats”, dont le siège, situé entre Gênes et Vintimille, à Imperia, est dirigé par Armando Ruiz et Summo Paradisi. En Espagne, ce service est placé sous la direction de Marcet y Vidal, secondé par Luiz Sabati, Luiz Martin, Oliva Ramon et Von Goss. »

Le Populaire met également en lumière les relations supposées entre le terroriste et Giardini, éminent vice-consul italien basé en France, à Port-Vendres. Le journal de la SFIO n’hésite pas à appeler Tamborini « l’âme damnée » du très respectable Giardini. Toujours selon le journal, Giardini, alerté par l’arrestation de son infâme protégé et terrifié à l’idée que le gouvernement fasciste puisse être associé à des actes de terrorisme international, aurait tenté d’envoyer un agent (sous la forme d’un avocat) dans la maison d’arrêt où Tamborini est incarcéré afin de le faire taire au plus vite. Cependant, cette manœuvre n’aboutira pas.

« La première préoccupation du vice-consul fut de donner au détenu un avocat à sa dévotion susceptible de servir d'agent de liaison. Il se présenta donc au Palais, accompagné de cet avocat. Malheureusement, ce beau projet échoua, Tamborini ayant déjà accepté un avocat d’office. »

Néanmoins, Giardini ne se démonte pas et se rend en personne à la maison d’arrêt. Une nouvelle fois, il édifie un plan pour le moins rocambolesque impliquant une sombre affaire de « vêtements prêtés » au terroriste inculpé :

« Giardini para alors au plus pressé : récupérer les documents compromettants ! Pour ce faire, il déclara que le terroriste étant en possession de “vêtements lui appartenant”, à lui Giardini. Parmi ces vêtements se trouvait “un pantalon” dont il avait le plus urgent besoin. Le pantalon et ce qu'il contenait – les documents accusateurs lui furent remis sans difficultés. Le danger était écarté. »

Après plusieurs mois d’enquête, Tambourini, sans doute en vertu de ses connaissances avec les cadres de la dictature transalpine, est relâché par les autorités françaises ; on présume qu’il revient en Italie, sans toutefois avoir de preuves tangibles. Les attentats de Marseille et de la place de l’Étoile, auxquels il a activement participé, sont attribués à la seule Cagoule et à sa section clermontoise, les Enfants de Gergovie.

Après une dernière tentative de coup d’État en France dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937, quelque 120 membres de la plus puissante organisation d’extrême droite en France sont arrêtés. Le 23 novembre, le Premier Ministre Marx Dormoy fait démanteler l’organisation.

Quatre ans plus tard, le 5 juillet 1941, Marx Dormoy est assassiné à l'hôtel du Relais de l'Empereur, à Montélimar ; les auteurs sont d'anciens membres de l'organisation terroriste, en représailles.