Écho de presse

Vie et mort de John Dillinger, ennemi public n°1

le 04/04/2021 par Michèle Pedinielli
le 12/01/2018 par Michèle Pedinielli - modifié le 04/04/2021
Le gangster John Dillinger à la morgue de Chicago, entouré d'agents de la Sûreté, 1934 - source : Gallica-BnF

Braquages de banque sanglants, attaques de commissariat, évasions… En 1934, John Dillinger devient l’homme le plus recherché des États-Unis.

Avec la fin de la Prohibition et le mafioso Al Capone sous les verrous, l’Amérique pensait en avoir fini avec les gangsters. C’était sans compter John Dillinger qui, en septembre 1933, attaque à la mitrailleuse la plus grande banque d’Indianapolis et s’enfuit avec 100 000 dollars.

« Nouveau Fra Diavolo », « Tsar des gangsters », et bientôt ennemi public n°1… Entre 1933 et 1934, John Dillinger devient le voyou le plus recherché des États-Unis, faisant courir les polices de quatre États et couler l’encre des journaux avides de sensations. Sa stature de bandit insensible se double d’une fascination pour son physique avantageux.

« Haut, coloré, des cheveux très noirs plantés sur un front allongé, un méchant sourire figé aux lèvres, John Dillinger, avec sa fine moustache à la Menjou, ses traits accentués comme ceux d'un Paul Muni, est très musclé et très “sex-appeal”.

Ce sont d'ailleurs ses qualités de bandit-Don Juan – Fra Diavolo incarné – qui lui permettent de réussir ses plus audacieuses prouesses. »

Mais ce que relève L’Excelsior avec malice, c’est que ce bandit nouveau genre est un pur produit américain, nourri au grain et au puritanisme religieux.

« Les “Yankees” se flattaient jusqu'à présent de voir tous les gangsters et tous les bootleggers sortir de la pègre internationale qui inonde la pure Amérique.

Or, Dillinger, lui, est né Américain cent pour cent. Il appartient même au puritanisme le plus rigide, son père – âgé aujourd'hui de soixante-treize ans – étant l'un de ces dignes “quakers” qui, voici quelque cinquante ans, partirent coloniser les rives sauvages du Michigan. »

Dillinger semble n’avoir peur de rien : en deux ans il braque plus d’une vingtaine de banques et quatre commissariats. Arrêté par deux fois, il s’évade. La première fois, deux gardes de la prison sont tués. La seconde évasion est encore plus folle. Lorsqu’on l’arrête chez une amie, « couché au milieu d’un véritable arsenal », il est emmené à la prison de Lima.

« Le shérif, très fier, câbla à Washington : “Le fauve est capturé”.

Fatuité. Le lendemain, avant l'aube, la bande du “fauve” surprit Lima en plein sommeil ; les mitrailleuses crépitèrent, les postes de police furent entourés d'un violent feu de barrage, tandis que les trois principaux évadés de l'Indiana, Harry Pierpoint, Russel Klark et James Makley, lieutenants de Dillinger, ayant fait sauter à la dynamite la porte de la prison et fusillé à bout portant le shérif Jess Sarber, pénétraient dans la cellule de leur chef, brisaient ses chaînes et l'emportaient à toute allure, dans la voiture même du shérif, vers le maquis rocheux de l’Arkansas.... »

Dillinger défie toujours plus les autorités. « Nous n’avons plus le choix. Je déclare la guerre à la police et aux banques ». En avril 1934, l’armée et la police du Wisconsin reçoivent l’ordre officiel de le tuer à sa première apparition.

Mais devant son audace et sa violence, le gouvernement décide une intervention fédérale, les polices de chaque état n’étant pas organisées entre elles. Cela permet à Edgar J. Hoover de mettre sur pied le service Division of Investigation (DOI), ancêtre direct du FBI.

L’ennemi public n°1 devient l’homme le plus recherché des États-Unis. En mai 1934, une petite onde de frayeur saisit même la France.

« Le trop fameux gangster américain John Dillinger traqué à Londres, aurait-il gagné la France ? La chose est possible. La Sûreté nationale a reçu des demandes de renseignements sur la présence en France du gangster ou de ses complices. »

En fait, John Dillinger est toujours en Amérique, se cachant en Floride, en Arizona, dans le Michigan puis le Wisconsin. En juillet 1934, il arrive à Chicago.

Le 22 juillet, il se rend au cinéma en compagnie de deux femmes. À l’extérieur, se positionnent quinze agents du DOI emmenés par Melvin Purvis, qui traque Dillinger depuis longtemps. Paris-Soir raconte la suite.

« La scène fut brève, tragique. Intriguée par le manège des détectives qui, depuis deux heures, montaient la faction, la foule s'était massée sur le trottoir : elle pressentait un événement important. Peut-être eût-elle fait preuve de plus de prudence si elle avait pensé qu'il s'agissait d'abattre l'“ennemi public n°1”, décidé à défendre chèrement sa peau.

On ne lui en laissa, à vrai dire, pas le temps. À peine sortait-il furtivement du cinéma, en compagnie de deux femmes, que les détectives ouvraient le feu.

Dillinger avait déjà tiré son revolver de sa poche : il ne put même lever le bras. Il tomba, la face contre terre. Une balle lui avait traversé le cou et était ressortie sous l'œil droit ; une autre l'avait atteint sous le cœur. Il devait mourir quelques minutes plus tard. »

Lorsque la foule se rend compte qu’elle contemple le cadavre de Dillinger, certains « trempent leurs mouchoirs ou des journaux dans le sang du notoire gangster qui coulait sur le pavé ». D’autres se ruent à la morgue, « essayant d’en forcer les portes pour contempler le cadavre du bandit ».

À la morgue justement, on découvre que Dillinger avait subi une opération de chirurgie esthétique qui lui avait remodelé le nez et fait disparaître deux cicatrices sur le visage. On constate également que l’extrémité de chacun de ses doigts avait été rongée à l’acide afin de modifier ses empreintes digitales.

Pour éviter tout phénomène de starification du gangster, la mort de John Dillinger est officiellement réduite à un épiphénomène.

« “C’est un simple incident dans les annales de la police”, a dit l'attorney général Cummings en apprenant la mort du bandit.

C'est l'oraison funèbre la plus sage qu'on puisse prononcer. John Dillinger, qui s'est fait, à trente et un ans, la réputation du “plus grand bandit d’Amérique”, ne doit plus dangereusement troubler les imaginations. »

Malgré toutes ces précautions oratoires, la figure de John Dillinger traversera les décennies et inspirera de nombreuses œuvres, notamment au cinéma.

 

Mais au fait, qu’était-il donc allé voir ce 22 juillet 1934 au Biograph Theater ? Un film de gangsters de Van Dyke, avec Clark Gable, intitulé Manhattan Melodrama, sorti en France sous le titre… L’Ennemi public n°1.