Chronique

« Charles IX » de Marie-Joseph Chénier, une pièce de théâtre révolutionnaire

le par

« St Prix, dans le rôle du cardinal de Lorraine, bénissant les assassins de la Saint-Barthélémi », dessin, Boizot fils, 1790 - source : Gallica-BnF

À la fin de l’année 1789, une représentation provoque une importante polémique parmi le Paris littéraire. Revenant sur les événements ayant conduit à la Saint-Barthélémy, elle critique sans détour l’hypocrisie et la violence de la monarchie française.

Un spectacle conçu comme un « plaisir utile, politique et pédagogique » à destination du peuple et accueilli dans les grands théâtres de la capitale (c’est-à-dire non rejeté vers ceux des boulevards), tel est le vœu de Marie-Joseph Chénier. Sans doute en est-il également l’un des meilleurs réalisateurs avec sa pièce Charles IX ou L’école des rois, soumise en 1788 au Théâtre-Français, et inspirée de la vie du « maudit » roi de France du même nom, fils d’Henri II et de Catherine de Médicis à la santé fragile et mort à l’âge de 24 ans en pleine « guerre de religions ».

Dès les premiers mois de la Révolution française, le spectacle devient emblématique d’un certain « théâtre politique » par la hardiesse de son sujet, distinguant notamment les responsabilités de la monarchie et de l’Église dans la nuit de la Saint-Barthélemy, et pointant dans le même temps les mauvais conseillers de la Cour à l’heure où l’opinion publique gronde contre ceux de Louis XVI.

« Malgré tous les obstacles, la tragédie de “Charles IX”, par M. Chesnier, a été représentée le 4 de ce mois », peut-on ainsi lire dans Les Annales patriotiques et littéraires du 8 novembre 1789. « On avoit blâmé le choix du sujet ; nous croyons, au contraire, qu’on ne pouvoit pas en offrir un plus fertile en vérités politiques ». Le journal pro-révolutionnaire poursuit avec enthousiasme la description du contenu de la pièce, qui n’est pas sans égratigner la monarchie française.

« Un Roi dépositaire du pouvoir, à qui la soldatesque obéit, est né faible, irrésolu : une Cour perverse le fatigue pour lui arracher l’ordre d’un massacre général, & pour rejeter ensuite sur lui seul l’horreur de tant d’abominables assassinats ; une femme cruelle prépare, au milieu des fêtes & des orgies, des scènes sanglantes, flatte les meurtriers, & caresse son fils pour l’armer contre ses sujets […]

Quel tableau ! C’est la fidélité historique : voilà ce qu’on a fait dans les Cours ; il est bon de le redire cent fois, afin que les sujets se tiennent sur leur garde.

La pièce a été applaudie : on a vu en frémissant, mais avec une sorte de plaisir triomphant, cette Cour de conspirateurs, montrant à nous leurs faces hideuses. Oui, voilà les leçons dont on a encore besoin !

Quand on entend les remord...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.