Chronique

Le mythe arthurien selon Cocteau : songes et démence

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Photo de la pièce « Les Chevaliers de la Table ronde » de Jean Cocteau, 1937 - source : Gallica-BnF

Fin 1937, le poète et dramaturge Jean Cocteau s’inspire (très) librement des Chevaliers de la Table ronde pour mettre en scène une pièce éthérée, en décalage avec le texte initial. Derrière la provocation se cache une vision romantique du Moyen Âge, où jeux de masques et folie triomphent de la réalité.

Le 14 octobre 1937, le théâtre de l’Œuvre à Paris accueille une pièce hors-norme : Les Chevaliers de la Table ronde.

Hors norme, car il s’agit d’une des premières fois que le mythe arthurien est adapté sur scène en France, alors qu’il est en Angleterre (et encore plus aux États-Unis) particulièrement populaire. Hors norme, car la pièce est écrite par Jean Cocteau, figure montante des cercles littéraires, et que les costumes sont signés Coco Chanel.

Pourtant, malgré une couverture de presse importante, la pièce ne rencontra qu’un succès mitigé et a vite été oubliée. Il faut dire que le thème du Graal ne suscite pas dans l’Hexagone un grand attrait, au point que le journaliste de L’Intransigeant s’exclame, avant de parler de la pièce, dit : « Ah ! L’on se souviendra de ce temps-ci, ou la critique fut obligée de refaire ses classes pour initier les étrangers et les Français aussi […] au cycle d’Artus ou de La Table Ronde » tandis que pareillement, celui de La Croix demande à ses lecteurs :

« Peut-être avez-vous entendu parler de ces héros qui ont noms : Artus, Lancelot du Lac. Merlin l’enchanteur, la fée Mélusine, Guenièvre, Iseult, que Tristan aima, etc. ?

Cela importe peu, d’ailleurs. »

Pire, les quelques personnes, souvent lettrées, qui se fascinent pour les exploits de la Table ronde, ne se reconnaissent pas dans le travail de Cocteau. Robert Kemp, critique théâtrale (et futur académicien), explique ainsi dans les pages du Temps, le 25 octobre 1937 :

« L’approche de cette pièce m’excitait assez. Nous sommes tellement sevrés de légendaire ! […]

Allais-je retrouver Marie de France, Chrétien de Troyes, les auteurs de Lancelot du Lac, les enchantements qui affolaient don Quichotte ? Et aussi ces bonbons anglais, les Idylles du roi, dont notre enfance était gourmande ? […]

Reverrais-je la Viviane de Brocéliande, de la forêt de Paimpont, où les automobilistes essayent de rêver, eux-mêmes ? […]

J’ai éprouvé quelques déceptions, a...

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