Chronique

Les mystères des Liaisons dangereuses, texte anti-Louis XVI ?

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Illustration parue dans l'édition de 1914 des Liaisons Dangereuses, Georges Jeanniot - source : Gallica-BnF

Œuvre majeure de la littérature du XVIIIe, Les Liaisons dangereuses de Pierre Chorderlos de Laclos fut interdit 40 ans après sa première publication, par Louis XVIII. Entre-temps, le texte fit l’objet d’un nombre considérable de théories quant aux intrigues qu’il révélait.

En mars 1782, la première publication des Liaisons dangereuses a laissé peu de traces dans la presse et pour cause : le roman était très problématique. 

L'ouvrage, les récentes recherches sur Louis XVI ont permis de le montrer, s'en prenait au cœur même de l'État, via sa politique étrangère secrète, de même qu’à la vie privée du roi. Il exposait, sous les dehors d'un récit libertin, les relations politiques de Louis XVI/Valmont et Marie-Thérèse d'Autriche/Merteuil tout en produisant des pastiches de la correspondance amoureuse du roi avec sa maîtresse (Françoise Boze) représentée sous les traits de la présidente de Tourvel.

Le lecteur du temps reconnaissait d'autant mieux Louis XVI en Valmont que la lettre XXI des Liaisons dangereuses rappelait les escapades champêtres du roi. Valmont y raconte l'usage qu'il faisait des visites de charité pour séduire la présidente de Tourvel, en confiant à Merteuil : 

« Vous vous souvenez qu’on faisait épier mes démarches. Eh bien ! j’ai voulu que ce moyen scandaleux tournât à l’édification publique, et voici ce que j’ai fait. 

J’ai chargé mon confident de me trouver, dans les environs, quelque malheureux qui eût besoin de secours. »

En janvier 1780, le Mercure de France avait ainsi rapporté une anecdote très proche concernant Louis XVI :

« Un garde du corps voyant sortir un jour Louis XVI seul, le suivit de loin ; d'autres se joignirent à lui, ainsi que plusieurs seigneurs ; et dans la crainte qu'il ne lui arrivât quelque accident, ils l'attendirent à la porte de la maison obscure où ils le virent entrer. 

Le roi, en sortant, fut entouré d'une partie de sa cour : parbleu, Messieurs, s'écria-t-il d'un ton enjoué, il est bien singulier que je ne puisse aller en bonne fortune, sans que tout le monde le sache. »

Dans de telles conditions, une interdiction n'aurait fait qu'attirer l'attention sur un ouvrage que l'on préférait faire oublier. Les autorités ont donc opté pour une solution plus fine : la police fit distribuer de fausses clés de l'œuvre que les libraires remettaient aux acheteurs du livre. 

Les Liaisons se sont ainsi écoulées à 4 000 exemplaires en mars et avril 1782 sans causer trop de remous. 

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