Chronique

Mademoiselle Giraud, ma femme, roman « lesbien » de 1870

le par

« Sapho et Phaon », tableau de Pierre Claude François Delorme, 1833 - source : Popculture.gouv-Musées de Haute-Normandie

Best-seller gentiment sulfureux de la fin du Second Empire, le roman d’Adolphe Belot dresse une pseudo-critique des « mauvaises mœurs »  homosexuelles sur fond de guimauve. Oublié aujourd’hui, il fut réédité 54 (!) fois dans les années 1870.

Le 22 décembre 1869, Le Figaro se voit contraint d’annoncer l’interruption d’un feuilleton littéraire débuté depuis à peine une semaine  plus tôt : 

« Le feuilleton que nous publions en ce moment, Mademoiselle Giraud, ma femme, a éveillé quelques susceptibilités. 

On trouve qu’il repose sur une donnée trop délicate et qu’il est dangereux de traiter des sujets aussi scabreux dans un journal. 

M. Adolphe Belot, plutôt que de modifier son œuvre, préfère en arrêter la publication. »

Mais quelle est donc la « donnée trop délicate » qui a suscité un abondant courrier de protestation ? Rien moins que l’amour lesbien : le roman [à lire sur Gallica] narre l’histoire d’une jeune fille, Paule Giraud, qui ne peut se résigner à se donner physiquement à l’homme qu’elle a épousé. Déconfit, celui-ci finit par découvrir qu’elle retrouve régulièrement, dans un appartement aménagé en « garçonnière », une amie de couvent séparée de son propre mari. Paule finira par rentrer au bercail conjugal, mais pour expirer dans les bras de son mari, qui se vengera plus tard de la maîtresse, en la noyant lors d’une rencontre inopinée sur la côte normande.

Le sujet était-il réellement « scabreux » au crépuscule d’un régime bonapartiste qui semblait avoir quelque peu desserré la gangue autoritaire et pudibonde de ses origines, quand Gustave Flaubert, les frères Goncourt ou Charles Baudelaire étaient traînés devant les tribunaux pour outrage aux bonnes mœurs ? 

Il n’était pas, en ...

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