Chronique

Tamara de Lempicka : garçonne intrépide et artiste art-déco

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"L'esclave enchaînée", tableau de Tamara de Lempicka paru dans Comoedia, 1930 - source : RetroNews-BnF

Star des salons des Années folles, créatrice d’un art puissamment érotique, la peintre polonaise Tamara de Lempicka fit frissonner la presse du début des années trente. Oubliée, elle ne sera redécouverte qu’à la fin du XXe siècle.

On identifie immédiatement son style : une garçonne androgyne au volant d’un bolide, une brune opulente voluptueusement renversée sur un lit, la chanteuse lesbienne Suzy Solidor levant un bras nonchalant sur son casque de cheveux d’or…

Tamara de Lempicka a peint la femme fatale des années folles, libre, indépendante, puissamment sensuelle, d’un pinceau néo-cubiste à la fois « féminin » et moderniste qui n’appartient qu’à elle. Aujourd’hui, ses héroïnes art-déco font le miel des éditeurs de gender studies, et son portait de Suzy Solidor orne l’affiche de l’exposition « Pionnières », au Musée du Luxembourg du 1er mars au 10 juillet. Comment la presse de l’époque at-t-elle accueilli la peinture mi-mondaine, mi-trangressive de cette artiste d’origine polonaise, installée à Paris depuis 1918 ?

C’est en 1927 que la grande presse commence à parler d’elle, même si elle expose depuis 1922, et a déjà conquis une petite notoriété. À propos de ses portraits exposés au Salon des Indépendants, Le Petit Journal du 21 janvier 1927 souligne par exemple :

« Dans un arrangement d’une rare qualité, une Polonaise, Tamara de Lempicka, qui n’a pas complètement oublié le cubisme, mais qui s’en dégage avec élégance, a composé et réussi un portrait d’homme jeune au costume bleu et surtout une image de fillette blonde à la robe rose, à la peau cuite d’une exceptionnelle qualité. »

Le modèle n’est autre que Kizette, la fille de Tamara, et c’est cette illustration qu’a retenue le journal.

L’artiste va alors sur ses 31 ans. Née à Varsovie, sous le nom de Tamara Gurwick-Gorska, dans un milieu aisé, elle a passé ses années d’adolescence chez une riche tante à Saint-Pétersbourg, avant d’épouser à 18 ans le séduisant et influent avocat Tadeusz Lempicki. Le couple a fui la Révolution russe, d’abor...

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