Chronique

« Opium » de Cocteau : les confessions d’un opiomane français

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Photo d'une fumerie d'opium en Indochine, Le Jardin des Lettres, 1931 - source : RetroNews-BnF

Au faîte de sa gloire intellectuelle, Jean Cocteau publie en 1930 un compte-rendu largement autobiographique de sa relation à la « noire idole », se mettant à nu et rendant visible sa dépendance.

En 1930, Jean Cocteau publie Opium. Journal d’une désintoxication. Âgé de 41 ans, l’écrivain et poète est à la tête d’une œuvre déjà reconnue comme majeure : récemment, il vient de publier Les Enfants terribles (1929), de donner au théâtre Orphée (1926) et La Voix humaine (1930). Parfois accusé de se comporter en girouette, en suiveur, en mondain, montré du doigt, aussi, pour son homosexualité notoire, il n’en a pas moins le statut d’un authentique « prince des lettres ». Toujours prompt à dénicher les talents en herbe, il est devenu une référence majeure pour la jeunesse, qui admire sa virtuosité poétique et son esprit étincelant.

Aussi y a-t-il une forme de courage à publier, au faîte de sa gloire, un livre consacré à son opiomanie et aux souffrances endurées pour en venir à bout. En ce début des années trente, la dive drogue, selon l’expression en usage, n’a plus la même aura qu’à la Belle Époque, quand mondains et artistes en avaient fait un passe-temps distingué. Le décret de 1908 puis la loi de 1916 sur les stupéfiants ont interdit l’usage « en société » du chandoo, mais aussi la vente et l’achat non thérapeutiques. Des drogues plus dures, cocaïne, morphine, héroïne, sont apparues, suscitant le développement d’un marché clandestin et de nouvelles formes de toxicomanies, moins élégantes. Les drogues sont désormais associées aux bas-fonds, à la marge, à la maladie, à la déchéance : elles ne font plus rêver.

Mais leur usage reste qualifié par la position sociale de ses usagers, et par la manière dont ils se montrent capables d’en parler. Cocteau n’est pas un toxicomane comme les autres, ne se considère d’ailleurs nullement comme tel. L’opium, il en consomme depuis au moins 1926, c’est-à-dire depuis la mort de Raymond Radiguet, peut-être le plus grand amour de sa vie, qui l’a laissé pendant de...

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